Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
sans vérifier sous ma
cape derrière mon dos si ma dague jouait bien dans son fourreau. Cependant, au
premier coup d’œil, je vis bien qu’il n’y avait là, comme dit le poète, que l’ornement du genre humain, et que la beauté était bien la seule arme que
j’aurais là-dedans, à redouter. Je sais bien que nos muguets parlent
communément à la Cour d’œillades assassines, mais ces pointes-là n’ont jamais
infligé que de petites morts qui sont bien les seules dont on revient toujours.
    Le dedans de la coche était encombré
de trois grands cotillons, pour autant que je pus les voir, car le cocher
refermant la tapisserie sur la porte incontinent que je fus entré, je me
trouvai dans une fort parfumée pénombre où c’est à peine si je parvins à
distinguer le vertugadin à côté duquel je m’encontrai assis et qui me parut
être le plus grand et le plus riche des trois. Cependant, mon œil s’accoutumant
davantage à l’obscurité et mes gambes se faisant place comme elles le purent,
au milieu des bruissants brocarts qui les enfouissaient, je me crus assez
douillettement logé pour prendre mon mal en patience et j’attendis ce que
m’allait dire ma voisine laquelle, retirant son masque que même en la coche
elle portait, m’envisagea un petit avec un sourire enchanteur et, posant sa
main gantée sur mon avant-bras droit, lequel reposait, sinon sur sa gambe, du
moins sur son accoutrement (tant nous étions serrés) me remercia d’une voix
douce et musicale d’être venu jusqu’à elle et quit de moi ce que mon maître
avait décidé touchant Mister Mundane. Cependant qu’elle parlait, je reconnus
d’abord son timbre, puis ce que je pouvais voir de ses cheveux qui étaient, on
s’en ramentoit, du roux vénitien le plus beau, et fort ravi de me trouver en
cette coche si proche de cette haute et belle dame que nos visages se
touchaient presque, je lui dis d’une voix quelque peu tremblante ce qu’il en
était de la décision du Roi, observant qu’elle me serrait davantage
l’avant-bras en son contentement tandis que je parlais. Quand j’eus fini, elle
me dit sur un ton joyeux et gai, qui me frappa d’autant qu’à notre première
encontre chez la maréchale, je lui avais trouvé la mine haute et
froidureuse :
    — Monsieur le Chevalier,
j’espère que les poches de votre pourpoint sont profondes assez, car j’ai
beaucoup de choses à vous remettre de la part du Comte de Stafford.
Premièrement : une lettre pour Mister Mundane. Deuxièmement, la bourse que
voilà contenant deux cents écus français, lesquels vous déchargeront des dépens
à vous causés par Mister Mundane au cours de votre voyage en Guyenne. En
troisième lieu : une bague que j’offre de ma personne à Madame votre
épouse pour la remercier de l’incommodité où elle fut à recueillir chez elle
Mister Mundane.
    À quoi je lui fis des mercis à
l’infini qui se terminèrent toutefois en petite disputation car, acceptant de
grand cœur la bague, sachant bien quelle elle était (encore que je n’eusse pas
déclos son écrin) et combien Angelina, qui aimait fort les bijoux, en serait
raffolée, je ne voulus pas, m’estimant ainsi bien assez payé de mes soins,
accepter la bourse. Mais my Lady Stafford ne l’entendait pas de cette
oreille-là, laquelle était tant mignonne qu’obstinée, et elle argua qu’il y
avait là deux compensations différentes, l’une pour la curation de la navrure,
l’autre pour les débours du voyage, et que d’ailleurs elle ne faisait, en me
les remettant, que suivre les instructions du Comte de Stafford : tant est
qu’obéissant à son mari, elle exigeait de moi à elle la même obéissance. Ceci
fut dit en français avec un accent charmant et une petite moue impérieuse et
gracieuse qui eût mis à vaudéroute mes plus solides légions, quand bien même my
Lady Stafford n’eût pas ajouté, cette fois en anglais :
    — Chevalier, we have argued
enough. I shall kiss you, if you do accept it [27] .
    — Ha Madame ! dis-je,
c’est trop se condescendre !
    Mais je n’achevai pas. Elle me ferma
la bouche par la façon qu’elle avait dite, laquelle fut, quoique suave, fort
brève, comme pour me laisser entendre que rien ne viendrait après, ce dont
d’ailleurs je ne me serais flatté en aucune guise, sachant combien cette haute
dame tenait à haut prix, et sa naissance et sa vertu, la première fortifiant la
seconde, comme il arrive. Après quoi, il ne me resta plus,

Weitere Kostenlose Bücher