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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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commencé, son
admirable bénignité l’avait achevé en moi ; et que je l’aimerais enfin
jusqu’à la consommation des siècles, ou à tout le moins, tant que je serais vif
dans le monde des vivants.
    La quittant pour aller pourvoir à
mon équipage, comme le Roi en sa libéralité me l’avait commandé, je ne pensais
qu’à lui témoigner plus avant les sentiments dont j’étais pour elle tant rempli
qu’il ne me semblait pas que je pusse jamais les lui exprimer d’une façon qui
me pût contenter, pour ce qu’il y avait en eux un infini qui échappait à mon
terrestre pouvoir. Musant pour mes emplettes dans les rues de Paris, je la
voyais partout, rapportant à elle tout ce que je voyais de bon et de beau dans
les vitrines des marchands, et éprouvant un étrange appétit à lui donner
l’univers entier, si j’avais pu.
    En ces rêveuses dispositions,
j’envisageais à la fenêtre d’un joaillier les coûteuses parures qu’il y avait
disposées pour séduire les chalands, quand une dame masquée de noir, suivie de
sa chambrière également masquée, descendit d’une coche sans armoiries à deux
toises de moi et vint sans tant de façons se planter à mon côtel, regardant ou
contrefeignant de regarder les bijoux dont déjà je voyais en mon esprit mon
Angelina parée.
    Je doutai de prime que l’inconnue ne
fût quelque huppée ribaude en quête d’un galant à dépouiller, doute qui
toutefois disparut, dès qu’elle parla, sa voix étant douce, basse et musicale
et son français fort raffiné, encore que prononcé avec un accent qui ne m’était
pas déconnu.
    — Monsieur, dit-elle, n’est-il
pas constant que de toutes celles qui se voient ici, la bague qui vous plaît
est cette lumineuse opale de Hongrie sertie de petits diamants ?
    — Madame, dis-je, étonné assez
de cette ouverture, c’est bien observé. C’est celle-là même. Mais je crains
n’être pas étoffé assez pour l’acquérir.
    — Quelle pitié ! dit
l’inconnue. Ou plutôt quelle demi-pitié, car pour moi, reprit-elle, je connais
une noble dame qui serait fort aise de l’offrir à Madame votre épouse pour la
remercier de la dépense et de l’incommodité où elle fut à recueillir et soigner
chez elle un gentilhomme blessé.
    — Madame, dis-je, pris de
quelque méfiance, je ne sais de quel gentilhomme vous parlez, ni qui est cette
noble personne, ni qui vous êtes.
    — Je sers celle que j’ai dite,
dit l’inconnue et elle est bonne assez pour me prêter dans les occasions ses
bijoux et Monsieur, si comme je crois, vous avez l’œil à tout ce qui tient de
la joaillerie, peut-être connaîtrez-vous cette dame en les reconnaissant ?
    Ce disant, elle déganta non sans
quelque lentitude sa main senestre, et quand elle fut nue, la portant à son
masque comme si elle l’eût voulu rajuster, elle me laissa admirer à loisir les
bagues qui resplendissaient aux doigts de my Lady Stafford quand je les avais
baisés chez la maréchale.
    Je vis bien alors qu’on n’essayait
point de me piper et je me trouvai, au demeurant, enchanté de la finesse de la
féminine appréhension puisque, alors même que je n’en avais rien dit, my Lady
Stafford percevant bien que ses splendides bagues me laissaient étonné, imagina
ensuite par une fort jolie chatonie de se servir d’elles, à mon endroit, comme
signal de reconnaissance.
    — Le gentilhomme, dis-je, est
en bonne voie de curation. Il pourra monter à cheval dans huit jours.
    — Il pourra donc vous
accompagner en votre voyage de Guyenne, dit l’inconnue, me laissant béant, et
de ce qu’elle sût où j’allais, et de cette inattendue requête.
    — Tel serait donc, dis-je quand
je recouvrai ma voix, le désir de votre maîtresse ?
    — Oui, Monsieur.
    — Assurément, dis-je, son désir
est à considérer mais je ne peux que je n’en fasse part d’abord à mon maître,
afin de savoir s’il lui agrée, et je ne le saurai que demain aux matines.
    — Eh bien, Monsieur, dit-elle,
convenons de nous encontrer céans demain, à la même heure, afin que vous me
disiez ce qu’il en est.
    — J’y consens, dis-je, pour peu
que vous m’apportiez de l’identité de votre maîtresse preuve plus persuasible
que des bagues.
    À quoi l’inconnue dont je supposais
qu’elle devait être une dame d’atour de my Lady Stafford fit entendre un petit
rire taquinant et s’en fut en un grand balancement de son vertugadin qu’elle
eut toutefois quelque peine à

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