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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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d’Amérique l’annuelle cargaison d’or. Nul n’ignorait qu’une bonne partie de cet or était reversé à la France, mais il était évident que l’Espagne ne pouvait laisser passer l’outrage sans déclarer la guerre, ce qui menacerait la domination anglaise des mers.  
    Le moral de la marine remonta aussitôt. Hazembat sentait autour de lui une fièvre joyeuse s’emparer des équipages à l’idée d’une action prochaine. Jantet montrait partout un visage hilare.  
    — Dans le cul, aux Goddem, il va le leur mettre, Napoléon !  
    Sans doute Hazembat, peu expansif de nature, se serait-il laissé entraîner par l’enthousiasme général, s’il n’avait été si conscient des faiblesses de la flottille d’invasion. Certes, les équipages étaient mieux entraînés, plus aguerris, mais, ancien batelier de la Garonne, il connaissait mieux qu’un autre les périls de cette navigation d’eau douce sur une mer imprévisible. Il aurait beaucoup préféré participer à l’action sur un vrai navire.  
    Il se sentait inutile, mal employé, livré à des stratégies élaborées par des terriens, des soldats. De plus en plus souvent, il s’interrogeait sur l’avenir. Cela faisait trois ans que les accordailles avec Pouriquète avaient été conclues. Ils étaient maintenant tous deux en âge de se marier. Quand pourrait-il retourner à Langon, épouser Pouriquète, lui donner des enfants comme il en avait déjà donné un à Belle, vivre sa vie de batelier sur l’ Aurore, le courau que Perrot Rapin, le père de Jantet, lui avait donné en cadeau d’accordailles ?  
    Ces pensées n’altéraient pas sa bonne humeur, mais lui donnaient à réfléchir. A vingt-six ans passés, il s’était peu à peu transformé en un grand bonhomme rude qui riait rarement, mais dont les yeux clairs révélaient une joie de vivre tranquille et profonde, ne s’assombrissant qu’à l’occasion de brèves colères.  
    — Tu me fais découvrir les Gascons, lui dit un jour Pigache. Je les croyais peu sérieux et plus épris de panache que de vérité. Or tu es l’homme au monde à qui je serais le plus enclin à faire confiance.  
    — Pas moi, lieutenant. Pour ce qui est de tenir une barre, ça va encore, mais pour ce qui est de naviguer dans la vie, j’ai besoin qu’on me commande.  
    — N’importe qui ?  
    — Non, je n’aime pas changer de maître, lieutenant. J’ai toujours voulu être marin de la République. Je n’ai pas assez d’imagination pour ne pas m’y tenir.  
    — Je te comprends. Les choses sont plus simples quand il s’agit d’échanger des coups de canon en haute mer contre un ennemi. Ici, nous ne savons pas quelles ambitions nous servons. Il y a des moments où je me demande si tout ce déploiement de force n’est pas une gigantesque comédie.  
    Latouche-Tréville était mort en août et Villeneuve l’avait remplacé à Toulon en octobre. Le chassé-croisé d’amiraux qui s’ensuivit retarda les opérations. Partout, les Anglais montaient bonne garde devant les ports français et espagnols. A Wimereux, l’enthousiasme tomba avec l’hiver. On ne croyait plus à la providentielle sortie des escadres bloquées qui balaieraient la Manche le temps de l’invasion. Les jours passaient sans qu’on vît apparaître des voiles françaises dans le Pas de Calais où quelques vaisseaux anglais patrouillaient avec l’apparente nonchalance de chats aux aguets. De temps en temps, la flottille se livrait sur la côte française à des exercices de débarquement, toujours couronnés de succès. L’entraînement des hommes était tel que, si seulement ils arrivaient à prendre pied sur une plage anglaise, il n’y avait aucun doute sur l’issue du combat. Mais il y avait d’abord à parcourir ces vingt milles de mer, qui, jour après jour, paraissaient se faire plus longs.  
    Le 18 février 1805, Pigache fit appeler Hazembat.  
    — On va demander des volontaires pour armer de nouveaux vaisseaux. J’ai reçu une lettre de Leblond-Plassan. Il aimerait bien avoir avec lui à Rochefort ce qui reste de l’ancien équipage de la Bayonnaise et il te mentionne tout spécialement.  
    Le jour même, Hazembat prit contact avec les anciens de la Bayonnaise qui servaient encore sur la flottille. Comme celle de tous ses camarades, l’acceptation de Jantet fut immédiate.  
    — On va revoir un peu de mer, putain de Dieu ! Quand, le lendemain, Lenoir réunit les équipages des prames

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