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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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avons, il faudra bien compter un quart d’heure pour virer de bord sous bonne brise.  
    Au plat de la maistrance, ils retrouvèrent Jantet qui se souvenait de Navarrot. Son humeur maussade et amère semblait avoir complètement disparu.  
    — J’ai fait le tour du navire, dit-il. La coque est saine, mais il faudra que je change les jottereaux du mât de perroquet. Ils sont pourris. C’est un coup à casser par gros temps.  
    Le 30 mars, enfin, l’ Algésiras, battant pavillon du contre-amiral Magon, prit la mer, escorté de l’ Achille. Le secret le plus complet régnait sur la destination. Certains pensaient qu’on allait piquer droit sur la Manche, d’autres qu’on allait faire route au sud pour rejoindre l’escadre de Villeneuve qui devait avoir passé Gibraltar. Navarrot était plutôt de la deuxième opinion.  
    — Villeneuve a dû faire sa jonction à Cadix avec le duc de Gravina et il doit aller au Ferrol faire sortir l’escadre qui l’y attend. En tout, ça fera une trentaine de navires : de quoi faire réfléchir Nelson !  
    Mais la petite escadre de Magon, jour après jour, suivit son cap sud-sud-ouest à travers d’interminables tempêtes qui mettaient rudement à l’épreuve l’équipage mal aguerri. Hazembat fut surpris et heureux de constater que les marins espagnols suppléaient par leur hardiesse à leur manque d’expérience. On avançait lentement, mais on avançait. Dans la région des alizés, passé le tropique, le vent se calma et l’on sut officiellement à bord que la destination était les Antilles.  
    Il fallut descendre très loin au sud, presque jusqu’aux côtes du Brésil, pour trouver des vents favorables. Puis les deux navires de Magon remontèrent lentement vers le nord, évitant les îles anglaises du Caraïbe. Enfin, après quarante-sept jours de navigation, le 4 juin, ils arrivèrent en vue de Fort-de-France.  
    L’escadre était là : dix-huit navires au mouillage dans la baie. Le Bucentaure portait la marque de Villeneuve. Le bruit courut à bord que, l’avant-veille, la flotte avait enlevé aux Anglais le rocher du Diamant qui menaçait l’entrée sud de Fort-de-France. Mais, de Nelson, on n’avait aucune nouvelle.  
    Dès l’aube du 5, laissant tout juste à l’ Algésiras et à l’ Achille le temps de faire de l’eau, le Bucentaure signala l’ordre d’appareiller.  
    Navarrot était inquiet.  
    — Si nous devons faire encore une traversée, nous serons à court de vivres.  
    — Rassure-toi, lui répondit Leblond-Plassan, nous allons faire une escale à la Guadeloupe.  
    Pointe-à-Pitre avait encore changé. Hazembat, qui accompagnait une des allèges d’avitaillement, eut de la peine à reconnaître l’esplanade, devenue une place bien ordonnée où les sabliers commençaient à donner de l’ombre et où se promenaient des messieurs bien habillés et des dames élégantes, la plupart mulâtres. Le marché avait reflué jusqu’aux arcades et il paraissait mieux approvisionné. Les nègres aussi étaient mieux vêtus. Cela rappelait un peu Baltimore.  
    Profitant d’un instant de liberté, il se rendit à l’auberge de Papa Lafortune. Une vieille mulâtresse obèse servait des clients paisibles.  
    — Papa Lafortune ? dit-elle quand il l’interrogea. Il est mort il y a deux ans. Je suis sa sœur Aimée.  
    — C’est vous qui avez recueilli les enfants de Belle ? Fronçant les sourcils, elle le regarda attentivement.  
    — Vous ne seriez pas Hazembat, par hasard ?  
    — Si. Belle vous a parlé de moi ?  
    — Oui, et Bernard-Toussaint aussi.  
    — Où est-il ?  
    — Il travaille sur une barque de pêche de l’autre côté du port. En courant, vous avez le temps d’arriver avant qu’il prenne la mer.  
    L’embarcation était sur le point de larguer les amarres. Hazembat reconnut tout de suite le garçon qui tenait le filin. A la nuance de peau près, c’était l’image de lui-même, tel qu’il était à onze ans, quand il remontait la Garonne sur la gabare du patron Roumégous.  
    — Bernard ! cria-t-il.  
    Le garçon leva les yeux, lâcha le filin et, se coulant avec agilité le long du bordage, vint se jeter dans ses bras.  
    — Père ! Je suis content de te voir !  
    — Moi aussi, Bernard, je suis content. Tu fais la pêche ?  
    — J’apprends. Je veux devenir marin comme toi ! Le patron de la barque, un grand nègre balafré, s’impatientait.  
    — Tu la’gues ou

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