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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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pourrais aussi bien vous demander ce que vous avez pris dans cette chambre, Bruno, la dernière fois que vous et moi nous nous
sommes trouvés parmi les affaires d’un homme tout juste décédé. Quel souvenir
avez-vous emporté ?
    — Je n’ai rien pris », répondis-je en me tournant
vers la fenêtre.
    La pluie ruisselait sur les carreaux et obscurcissait la
vue.
    « Vraiment ? » Il parlait entre ses dents et
je l’entendis s’approcher de moi. « Vous avez peut-être dupé le recteur
afin qu’il vous accorde sa confiance, me susurra-t-il à l’oreille, mais je vois
clair en vous.
    — C’est-à-dire ? m’enquis-je en croisant les bras
pour lui signifier que son opinion m’indifférait.
    — Vous êtes de ces hommes qui se croient assez doués
pour vivre de leur charme et de leur esprit plutôt que de leur travail. Vous
amadouez les hommes dont la position est bien établie afin de profiter de leurs
faveurs. Vous arrivez ici auréolé de votre renommée, en faisant étalage de vos
appuis chez les courtisans et les rois, mais nous sommes à l’université
d’Oxford ici. De telles fariboles ne nous impressionnent guère. Vous n’obtiendrez
aucune position ici, même si vous vous immiscez dans des affaires qui ne vous
regardent pas. »
    De l’écume s’était accumulée aux coins de ses lèvres à la
fin de cette tirade et il s’arrêta pour respirer, brûlant toujours d’une haine
dont la violence m’étonnait.
    « Vous croyez que je désire une position ici ?
répétai-je, stupéfait.
    — Je ne vois pas sinon ce qui vous pousserait à vous
rendre indispensable auprès du recteur en vous occupant de ces morts,
répliqua-t-il.
    — Non, vous ne pouvez pas comprendre, parce que vous ne
pouvez pas imaginer vous fatiguer pour autre chose que votre propre
profit. »
    J’en avais assez. Je décroisai les bras et m’avançai vers
lui jusqu’à coller mon visage à quelques centimètres du sien, pour qu’il voie
bien mes yeux.
    « Laissez-moi vous dire quelque chose, maître
trésorier. J’ai été un fugitif dans mon propre pays pendant trois ans. J’ai vu
des hommes se faire tuer comme un enfant abat un oiseau d’une pierre. On leur
volait les chaussures qu’ils portaient ou les quelques pièces qu’ils
possédaient, et on préférait les oublier parce que cela coûtait trop d’efforts
de traquer leurs assassins. Aux yeux de la loi, les hommes qui mouraient ainsi
ne valaient pas mieux que ceux qui les tuaient, et qui finiraient probablement
tués à leur tour. Pour moi, je crois qu’aucun homme n’est dépourvu de valeur à
ce point. Lorsqu’une vie, si insignifiante soit-elle, se termine dans la
violence, le crime ne doit pas rester impuni, le meurtrier ne peut pas s’en
tirer à si bon compte. C’est pour cela que je m’immisce, comme vous dites,
maître Slythurst. On appelle cela la justice. »
    La véhémence de ma réplique était au moins égale à son
accusation et il recula d’un pas. Néanmoins, c’est moi qui détournai le regard
en premier. J’avais conscience qu’en dépit de mes grands airs mes belles
paroles sonnaient creux. Si je désirais découvrir le meurtrier, c’était surtout
pour faire mes preuves vis-à-vis de Walsingham et Leicester, parce que
j’accomplissais là ma première mission et qu’en cas de succès j’en retirerais
une récompense et des appuis plus solides.
    « Revenons-en à ce qui nous préoccupe, repris-je pour
changer de sujet. Nous sommes censés collaborer, après tout. »
    Même si la chambre était moins en désordre que la première
fois où j’y étais venu, il sautait aux yeux que la transition n’avait pas été
achevée. Soudain, je ressentis un vif sentiment de perte à l’égard du
malheureux Coverdale, qui n’avait profité qu’une seule journée de son statut de
sous-recteur avant de connaître le même sinistre destin que son prédécesseur.
Je n’avais guère apprécié l’homme, mais c’était une mort horrible qui était
venue frapper à la porte qu’il convoitait depuis si longtemps, et alors qu’il
n’avait pas même fini de déballer ses affaires. Slythurst alla directement
fourrager parmi les papiers disposés sur la table de travail. Son initiative me
déplaisait royalement, car il était probable que les éventuels indices sur ce
qui était arrivé à Coverdale le samedi soir se trouvaient dans ces documents.
J’étais sur le point de suggérer que nous nous répartissions le travail

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