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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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vous
n’en possédez dans votre bourse. »
    Il jeta un coup d’œil furtif à mon pourpoint, une lueur
avide dans le regard.
    « Qui ? demandai-je en sentant mon estomac se
nouer. Vous ne l’avez pas vendu, au moins ? »
    La porte s’ouvrit. Je sursautai, mais ce n’était que William
Bernard, débarrassé de sa tenue de prêtre et revenu à la robe de professeur.
    « Je parlais justement au docteur Bruno de l’homme qui voulait
acquérir le manuscrit grec de la collection de Dean Flemyng, celui que vous
avez sauvé en 1569 », l’informa Jenkes.
    Bernard hocha lentement la tête.
    « J’ai découvert le manuscrit au fond d’un vieux coffre
quand je suis devenu bibliothécaire à Lincoln, commença-t-il. Soit mon
prédécesseur était incapable de le lire, soit il n’avait pas conscience de ce
qu’il détenait, mais je l’ai reconnu aussitôt et j’ai compris qu’entre de
bonnes mains il deviendrait extrêmement précieux… et extrêmement dangereux.
    — Alors vous l’avez volé ?
    — Je n’ai rien fait de tel, répondit Bernard, agacé. Le
collège inventoriait chaque année les ouvrages de la bibliothèque. Toute
disparition aurait été remarquée. Mais le Seigneur vient en aide à ceux qui ont
la foi. En 1569, les agents de la reine ont entrepris de faire un tri draconien
des bibliothèques des collèges, comme vous le savez, et ils avaient tellement
hâte de se débarrasser des livres incriminés qu’il n’a pas été bien compliqué
de leur soustraire certains manuscrits. Rowland savait déjà que j’avais
découvert les écrits perdus d’Hermès Trismégiste, le livre que Ficin avait
refusé de traduire parce qu’il ne voulait pas être responsable de ses
conséquences pour la chrétienté. Mais je ne suis pas certain qu’il m’ait cru avant
que je puisse lui apporter le livre en main propre. »
    Jenkes leva la main comme pour s’absoudre.
    « Quand j’ai pu le lire, je n’ai pas douté une seule
seconde de son authenticité, reprit-il. C’était bel et bien le livre que Cosme
de Médicis a soustrait aux ruines de Byzance en dépensant une fortune et qu’il
n’a pourtant jamais eu le loisir de lire. Je savais qu’un seul homme serait
prêt à dépenser sans compter pour avoir ce livre dans sa bibliothèque.
    — Vous le connaissez peut-être, ajouta Bernard d’un air
détaché, c’était le tuteur de votre grand ami Philip Sidney. Je parle du
sorcier John Dee, l’astrologue d’Élisabeth, la reine hérétique. »
    Je les regardai tour à tour. Tout espoir était perdu, me
semblait-il.
    « Alors c’est John Dee qui a le livre ? Vous le
lui avez vendu ?
    — Oui et non, répondit Jenkes en ouvrant les bras pour
souligner son impuissance dans cette affaire. Je lui ai vendu le livre pour une
somme importante. Nous avons échangé quelques lettres et Dee s’est déplacé en
personne à Oxford afin d’effectuer la transaction. Mais un incident est
survenu, sans que je sache si c’est la Providence ou une autre puissance qui a
agi.
    — Que voulez-vous dire ? »
    Le petit jeu du chat et de la souris auquel ils se livraient
m’impatientait. Du coin de l’œil, je voyais Humphrey Pritchard posté contre le
mur, près de la fenêtre obscurcie, et qui s’occupait à déloger des morceaux
d’hostie coincés entre ses dents. Je me demandais avec un peu d’appréhension ce
qu’il faisait encore là à nous épier et pourquoi Jenkes et Bernard ne
s’irritaient pas de sa présence.
    « Sur le chemin qui le ramenait à Londres, Dee a été
attaqué par des bandits de grand chemin. Il a eu la chance d’en réchapper, mais
s’est fait dépouiller de toutes ses possessions, y compris le manuscrit qu’il
transportait. »
    Jenkes avait raconté cette histoire avec la plus parfaite
indifférence. Dans le même temps, obéissant à un signe presque imperceptible de
sa part, Humphrey s’était rapproché de nous.
    « Et vous étiez derrière cet incident, pour reprendre votre
terme ? demandai-je en me tournant de façon à garder Humphrey dans mon
champ de vision. C’est vous qui avez récupéré le manuscrit ?
    — Moi ? fit Jenkes, feignant d’être outré. Vous me
croyez capable de pareilles manigances, Bruno ? Je vous assure que ma
probité dans les affaires est exemplaire, et je ne suis pas idiot au point de
me faire un ennemi d’un homme aussi proche de la reine. »
    Il m’inspecta de pied en cap, puis échangea un coup d’œil
avec

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