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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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que j’aie un cœur de pierre. Fut un temps où je
considérais qu’il aurait fait un bon parti pour ma fille. Son père voulait qu’il
se lance dans la carrière du droit et ses perspectives paraissaient
engageantes. Nos familles étaient amies et Thomas était très épris de Sophia,
cela ne fait aucun doute. »
    Je me demandai si le fait d’avoir une fille en âge de se
marier dans ce cloître rempli de jeunes hommes expliquait l’air vaguement
éreinté qui perturbait en permanence le visage du recteur.
    « Votre fille partageait-elle cet intérêt ? »
    Le recteur fit une grimace.
    « Oh, elle a toujours été difficile sur le sujet du
mariage ! Les filles ont cette stupide notion de l’amour, je n’aurais pas
dû l’autoriser à lire si librement de la poésie.
    — Elle est instruite ? »
    Il hocha la tête d’un air absent, comme si son esprit était
ailleurs.
    « Mes enfants étaient proches en âge, à peine un an les
séparait, et je trouvais injuste que mon fils suive des leçons et que ma fille
n’ait le droit que de coudre. D’ailleurs, lorsqu’il était enfant, John avait
toujours du mal à rester concentré sur ses livres. J’ai estimé que cela lui
ferait du bien d’entrer en compétition avec sa sœur, car elle a toujours été la
plus maligne des deux et il détestait qu’elle lui soit supérieure. Sur ce
point, j’ai eu raison. Mais maintenant, j’ai le sentiment de l’avoir rendue
impropre au mariage. Elle n’aime rien tant que déambuler dans la bibliothèque
et échanger des idées avec les élèves quand elle en a l’occasion, et ses
opinions sont trop audacieuses, ce qui est bien peu convenable pour une dame.
C’est un trait de caractère qu’aucun homme ne souhaite chez sa femme. J’ai donc
fait tout cela en vain. »
    Il se détourna et poussa un grand soupir, le regard perdu de
l’autre côté de la cour.
    « Comment cela, en vain ? Votre fils ne se
tient-il pas à ses études ? »
    Il se convulsa sous l’effet d’une brusque douleur et il lui fallut
déployer de gros efforts pour me répondre.
    « Mon pauvre John est mort il y a quatre ans, Dieu ait
son âme. Un cheval l’a désarçonné. Il aurait eu vingt et un ans cet été, il
avait le même âge que Thomas Allen.
    — Vous m’en voyez désolé.
    — Quant à Sophia, elle appréciait Thomas et le
considérait comme un ami, mais ces derniers temps, j’ai jugé inapproprié qu’ils
se lient, étant donné la réputation de sa famille. Ses perspectives ne sont
plus les mêmes, bien entendu.
    — C’est encore un coup dur pour ce garçon, après tout
le reste.
    — Oui, c’est dommage, répondit le recteur sans une once
de sympathie. Mais venez, ne restons pas là à cancaner comme des bonnes femmes.
Le domestique va vous montrer votre chambre, où un feu doit crépiter pour
sécher vos vêtements. Doux Jésus, le vent est glacial, on croirait plutôt
novembre que mai. J’ai hâte de vous voir au souper. »
    Il me serra la main et je me tournai pour suivre le
domestique dans l’escalier sombre qui menait à ma chambre.
    « Docteur Bruno », m’appela le recteur alors que
j’étais presque hors de vue.
    En me penchant, je le vis qui me jetait un regard anxieux.
    « S’il vous plaît, par charité, je vous demande de ne
pas faire mention de Thomas Allen ou de ce que je vous ai raconté à propos de
mon pauvre John au souper. Ces deux sujets ont tendance à déprimer ma femme et
ma fille.
    — Vous avez ma parole », l’apaisai-je.
    La présence d’une jeune femme aux idées audacieuses rendait
la perspective de ce souper avec le recteur considérablement plus attrayante.

 
CHAPITRE 3
    Pour le souper, j’enfilai une chemise propre avec un
pourpoint noir et un haut-de-chausses, puis je contemplai un instant le
résultat dans le miroir qui reposait sur le manteau de la cheminée. Mes cheveux
et ma barbe étaient un peu trop longs, je ne pouvais le nier, et les
intempéries les avaient rendus encore plus hirsutes que d’ordinaire, même si
j’avais décidé longtemps auparavant que je n’avais ni le temps ni la vanité
pour rivaliser avec ces messieurs à la mode de la cour parisienne. Mais à
trente-cinq ans, pensai-je, j’étais encore présentable. Mon reflet me renvoya
un regard noir, mes yeux semblaient deux taches sombres et profondes.
L’échauffourée sur la route m’avait laissé une griffure sur la joue, il se
pouvait que cela intrigue une jeune femme confinée

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