Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
laissa pas passer.
    «  S’il vous plaît, docteur Bernard.
    — S’il vous plaît, quoi, recteur ? Je dois prendre
garde à mes propos devant ce moine renégat ? s’indigna le docteur Bernard,
ses cheveux blancs ébouriffés volant autour de sa tête comme la crête d’un
oiseau. Et pourquoi ? Dois-je redouter qu’il me dénonce au comte de
Leicester ? »
    Il me scruta avec un air de défi et je compris que, bien
qu’il fût presque édenté et âgé d’au moins soixante-dix ans, son esprit n’avait
rien perdu de sa vivacité. À la lumière vacillante des chandeliers, les traits
de son visage semblaient se creuser et il avait l’air d’un vrai croque-mitaine.
    « J’ai été nommé par la reine Marie elle-même, il y a
trente ans de cela, alors que l’université était presque débarrassée des
convertis au nouveau dogme, et j’ai traversé toutes les tempêtes, tandis que
mes amis sont morts ou ont été privés de leur emploi. Cela fait bien longtemps
que j’ai renoncé à toutes ces simagrées. »
    Il se mit à rire, comme s’il se moquait de lui-même, puis me
regarda, soudain grave.
    « Mais je crois que vous êtes catholique, n’est-ce pas,
docteur Bruno ?
    — Je suis italien, répliquai-je posément, élevé au sein
de l’Église romaine.
    — Eh bien, j’ai peur que vous ne trouviez personne avec
qui entendre la messe romaine ici, messire. Il ne reste plus de catholiques à
Oxford, oh non. Aucun homme ne se risque à célébrer l’ancienne foi. »
    Je fus frappé par sa voix pleine de sarcasme et d’amertume.
    « Ici, nous prêtons le serment de fidélité pour sauver
notre tête et chacun se montre loyal à l’Église d’Angleterre, comme on nous
l’ordonne, car nous sommes tous d’obéissants sujets, pas vrai,
messieurs ? »
    Il y eut quelques murmures gênés et je vis le recteur
s’agiter.
    « William, je vous en prie.
    — En tout cas, nous en avons l’air. Mais personne à
Oxford n’est vraiment ce qu’il a l’air d’être, docteur Bruno, gardez cela à
l’esprit. Pas même vous, je suppose. »
    Je levai les yeux et croisai le regard du docteur William
Bernard. Ce vieillard gnomique aux piques acérées donnait l’impression très
nette et inquiétante d’être capable de lire les pensées secrètes des autres, et
il se rapprochait trop de la vérité à mon goût. Je me contentai donc d’incliner
la tête et cherchai une distraction tandis qu’il continuait à me fouiller de
ses yeux gris pâle. Heureusement, l’arrivée de domestiques apportant le premier
plat m’en fournit une : nous avions des chapons bouillis aux prunes et de
la gelée de pied de veau, accompagnés d’un bon vin rouge.
    Comme ils s’affairaient autour de la table, nous servant
copieusement des légumes, je me penchai en avant afin d’engager la conversation
avec Sophia Underhill. Mais, à cet instant, l’homme barbu qui me faisait face
s’adressa à moi, et je vis Florio saisir l’occasion d’accaparer l’attention de
la jeune femme.
    « Roger Mercer, docteur en théologie et sous-recteur du
collège », se présenta l’homme d’une voix puissante de baryton, avec un
accent que je pensais venir de l’ouest de l’Angleterre.
    Il me tendit la main par-dessus la table.
    « Nous sommes vraiment très heureux de faire votre
connaissance, docteur Bruno, et votre disputation avec le recteur demain soir
suscite beaucoup d’enthousiasme.
    — Pas maintenant, Roger, pas maintenant, s’empressa de
dire Underhill. Nous n’évoquerons pas de sujet touchant à la disputation à
cette table. Notre hôte et moi-même devons préserver nos arguments pour les
débats, n’est-ce pas, docteur Bruno ? Comme on dit, il faut garder ses
munitions pour le combat. »
    D’un signe de tête, je lui donnai mon assentiment. Roger
Mercer leva la main en signe de dénégation.
    « Ne craignez rien, recteur. Ce n’était qu’un préambule
avant de dire au docteur Bruno à quel point j’étais curieux de le rencontrer
depuis que j’ai lu son ouvrage, Sur les ombres des idées, publié à Paris
l’année dernière.
    — Le sorcier Cecco d’Ascoli, qui a brûlé pour
nécromancie, n’a-t-il pas mentionné un livre portant le même titre, un livre de
magie interdite qu’il attribuait à Salomon ? »
    Le docteur Bernard s’était une fois de plus penché devant
Sophia pour faire cette intervention. Son index tremblant, levé pratiquement
devant son visage, était pointé

Weitere Kostenlose Bücher