Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
son mari, elle ne semblait pas particulièrement enchantée à l’idée de
divertir des hôtes.
    « Et ma fille, Sophia, poursuivit le recteur, incapable
de réprimer une pointe de fierté. Vous constatez que je lui ai donné le nom
grec qui signifie sagesse.
    — De la sorte, ses prétendants peuvent vraiment se dire
philosophes, répliquai-je en souriant à la jeune femme. Les amoureux de
Sophia. »
    Je crus que sa mère allait s’étrangler. Autour de la table,
quelques-uns des hommes étouffèrent un rire. La jeune femme, elle, me renvoya
mon sourire et rougit de façon plaisante avant de baisser les yeux. Le recteur
se força à sourire.
    « Ah, c’est vrai ! On m’a prévenu que, dans votre
pays, les hommes sont experts dans l’art de flatter les dames.
    — Surtout les moines, grinça un vieil homme assis à la
droite de Sophia, ce qui fit rire tous les invités.
    — Les moines défroqués  », précisai-je avec
emphase en soutenant le regard de la jeune femme.
    Cette fois, elle ne détourna pas les yeux et quelque chose
dans la franchise de son regard me rappela si vivement le souvenir de Morgana
que j’en eus le souffle coupé.
    « Je dois protester et défendre mes compatriotes,
déclara le jeune homme aux cheveux noirs assis immédiatement à ma gauche, qui
avait effectivement l’air italien bien qu’il s’exprimât sans trace du moindre
accent. Ou plutôt des compatriotes de mon père, devrais-je dire. Je ne sais pas
comment nous avons gagné cette réputation de grands séducteurs auprès des
Anglais, mais je n’ai hélas pas hérité de ce talent, voilà qui est
certain. »
    Il tendit les mains en un geste de reddition, et la
compagnie rit de nouveau. Je soupçonnai le jeune homme de fausse modestie sur
ce chapitre. Il avait un visage charmant et prenait de toute évidence grand
soin des vêtements qu’il portait, ainsi que de sa barbe et de sa moustache,
méticuleusement entretenues. Se penchant vers moi, il me tendit la main.
    « John Florio, fils de Michelangelo Florio de Toscane.
Je suis ravi de faire votre connaissance, docteur Bruno de Nola. Votre
réputation vous précède.
    — Laquelle ? dis-je, ce qui fit redoubler les
rires.
    — Maître Florio est un professeur très respecté. Il
enseigne les langues, comme son père avant lui, m’apprit le recteur. Et il est
occupé à la compilation d’un livre de proverbes venant de différents pays. Je
suis sûr qu’il n’hésitera pas à nous régaler tout à l’heure de quelques-unes de
ses sentences.
    — “C’est une passion féminine que d’aimer la Croix et
de croiser des amants”, récita Florio.
    — Il ne dit que la vérité, commenta Sophia en feignant
la consternation, et le jeune homme rayonna.
    — Merci, reprit le recteur avec un sourire de plus en
plus contraint. Je dois dire, docteur Bruno, que je ne savais pas si vous étiez
en mesure de converser en anglais, c’est pourquoi j’ai pensé que vous vous
sentiriez plus à l’aise avec un interlocuteur italien à proximité.
    — C’est aimable à vous. J’ai appris l’anglais auprès de
voyageurs et d’érudits mais je crains qu’il ne soit guère policé.
    — Mon père aussi a fui l’Italie par peur de
l’Inquisition après s’être converti à la Réforme, m’avoua Florio, poussé par un
désir irrépressible. Il est venu à Londres, s’est retrouvé dans la maison de
Lord Burghley et est devenu par la suite le professeur d’italien de Lady Jane
et de la princesse Elisabeth.
    — Un exil doré, alors, remarquai-je.
    — L’exil est toujours une malédiction, me contredit le
vieillard assis à côté de Sophia avec une véhémence surprenante. Un destin
cruel, quel que soit l’homme auquel on l’inflige. N’est-ce pas,
Roger ? »
    Il se pencha alors vers l’homme à la grande barbe
grisonnante et son teint rubicond assis de l’autre côté de Sophia, juste en
face de moi. Celui-ci, mal à l’aise, s’abstint de répondre.
    « Surtout quand il s’agit d’un ami », ajouta le
vieillard.
    Un silence tendu s’abattit sur l’assemblée.
    « Vous avez raison, mon père a eu de la chance que de
tels hommes le soutiennent, reprit Florio à la hâte pour combler le blanc, même
si nous avons de nouveau connu l’exil alors que j’étais un tout jeune enfant,
lorsque Marie la Sanglante s’est emparée du trône d’Angleterre.
    — Que Dieu ait son âme », dit le vieil homme avec
révérence.
    Cette fois, le recteur ne

Weitere Kostenlose Bücher