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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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de sauver la face ? Je
me demandai si le recteur tiendrait sa promesse de conduire une enquête en
privé, mais j’en doutais. C’est lui qui plaçait la réputation du collège
au-dessus de tout.
    « Je pense qu’au cours de l’enquête mon devoir sera de
rapporter ce que j’ai vu ce matin, dis-je. Si je me trompe, très bien. Je
passerai pour un idiot. Mais je dois courir ce risque. Je ne pourrais pas
dormir en sachant que j’ai dissimulé un fait. »
    Coverdale hésita un instant, puis il sembla accepter cette
déclaration.
    « Bien sûr, docteur Bruno, vous agirez selon votre
conscience. Entrons-nous ? »
    Il désigna le porche de Divinity School, où la foule allait
s’amenuisant.
    « Oh, cependant, il y a une chose assez curieuse,
ajouta-t-il tout en commençant à monter les marches. Maître Slythurst m’a dit
qu’il allait à la salle forte ce matin lorsqu’il a entendu du bruit dans la
chambre du docteur Mercer. Il a jeté un coup d’œil à l’intérieur et découvert
que la chambre était sens dessus dessous, et qui y avait-il là ? Notre
très cher hôte italien, en train d’ouvrir un coffre plein d’argent, rien de
moins. Et le gardien raconte que vous lui avez rapporté un jeu de clés pris sur
le mort. »
    J’avais été stupide de dormir toute la matinée au lieu de
rapporter les affaires au recteur. Et maintenant, comme je le craignais,
Slythurst couvrait ses arrières en insinuant ni plus ni moins que j’étais un
voleur. Il y avait néanmoins un détail qu’il avait omis dans sa version :
le fait que lui aussi avait la clé de la chambre de Mercer.
    « Il y a une explication…
    — Oh, sans doute, docteur Bruno, sans doute, me coupa
Coverdale. Mais il se pourrait que ce comportement paraisse bizarre aux yeux
d’un magistrat, pour ne pas dire suspect. Et les habitants de la ville ont une
telle aversion des étrangers, vous comprenez, surtout des papistes ,
dit-il en feignant de s’excuser d’employer ce mot, que leur jugement est
souvent obscurci par les préjugés. Si l’enquête devait être plus compliquée que
nécessaire, ce genre de détail pourrait bien surgir à la lumière. »
    Nous étions maintenant sur le seuil. Je regardai à
l’intérieur et vis que la salle était pleine à craquer. Il y avait des élèves
debout au fond, ou assis jusque sur les rebords des fenêtres. Après cette
menace directe, Coverdale me sourit d’un air innocent. J’avais envie de lui
arracher la tête.
    « Je comprends ce que vous voulez dire, docteur
Coverdale, et je réfléchirai sérieusement à la question.
    — À la bonne heure. Je suis certain que vous verrez où
se trouve votre intérêt. Y allons-nous ? »
    Avant d’entrer, je me tournai vers les remparts pour
découvrir que l’homme sans oreilles se trouvait encore là et qu’il nous
regardait. Je saisis Coverdale par le coude.
    « Qui est cet homme ? » lui demandai-je avec
un signe de tête dans sa direction.
    Coverdale l’observa, se racla la gorge et secoua la tête.
    « Personne d’important », répondit-il sèchement.
    Puis il me tint la porte et je passai devant lui.
     
    En me préparant pour mon discours, j’essayai d’écarter cette
conversation de mon esprit. Dans la salle se fit un silence impressionnant,
troublé uniquement par des bruits de pieds sur le sol, des éternuements et le
bruissement des robes. Je m’éclaircis la gorge et me penchai sur mon pupitre
pour prendre la parole.
    « Moi, Giordano Bruno de Nola, docteur en une théologie
des plus raffinées, professeur de la sagesse la plus pure et la plus innocente,
connu des meilleures académies d’Europe, philosophe établi et honoré, étranger
uniquement parmi les barbares et les bandits, éveilleur des esprits endormis,
pourfendeur de l’ignorance présomptueuse et obtuse, pratiquant l’amour général
de l’humanité, me plaisant autant en compagnie de l’Anglais que de l’Italien,
de l’homme que de la femme, de l’évêque que du roi, de la robe que de l’épée,
du moine que du profane, tant que leur conversation prône la paix, la civilité,
la loyauté ; qui ne respecte ni la tête ointe, ni le front bénit, ni les
mains lavées, ni le pénis circoncis, mais l’esprit cultivé qui se lit sur les
visages ; détesté des propagateurs de la stupidité et des médiocres
hypocrites, aimé des sobres et des studieux, et acclamé par les esprits les
plus nobles, je salue l’excellent et illustre

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