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Le prix de l'indépendance

Titel: Le prix de l'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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sourcils.
    — On dirait qu’il a une sorte d’excroissance.
    — Je crois que c’est ce qu’on appelle un requin-marteau, répondis-je.
    Je me tenais fermement au bastingage rendu glissant par les embruns. Effectivement, le long corps élégant se terminait abruptement par une forme étrange et disgracieuse. Tout à coup, le requin se rapprocha de la surface et roula sur le côté, exhibant l’espace d’un instant sa proéminence charnue et le gros œil froid au bout.
    Jamie lâcha une exclamation de dégoût et d’horreur.
    — C’est leur aspect normal, l’informai-je.
    — Pourquoi ?
    — Je suppose que Dieu s’ennuyait ce jour-là.
    Cela le fit rire. Je le regardai avec satisfaction. Il avait le teint frais et respirait la santé. Il avait englouti son petit déjeuneravec un tel appétit que j’avais estimé pouvoir lui épargner les aiguilles d’acupuncture.
    — Quel est l’animal le plus étrange que tu aies vu ? demandai-je.
    Me rappelant soudain l’épouvantable collection de bocaux de malformations et de « curiosités naturelles » du docteur Fentiman, je précisai :
    — Un animal non humain.
    — Tu veux dire un animal étrange tel que Dieu l’a conçu ?
    Il fixa un instant la ligne d’horizon en réfléchissant, puis sourit.
    — Le mandrill du zoo de Louis de France. Ou… peut-être un rhinocéros, bien que je n’en aie jamais vu en chair et en os. Ça compte quand même ?
    Les gravures animalières de l’époque étant souvent profondément affectées par l’imagination des artistes, je répondis :
    — Disons une créature que tu aies vue en vrai. Tu as trouvé le mandrill plus étrange que l’orang-outan ?
    Je me souvenais de sa fascination pour l’orang-outan, un jeune animal qui avait semblé tout autant fasciné par Jamie, ce qui avait inspiré au duc d’Orléans une série de plaisanteries d’un goût douteux sur l’origine des cheveux roux.
    — Non, j’ai rencontré beaucoup de gens qui avaient l’air plus étranges que cet orang-outan. J’avais de la peine pour cette pauvre bête. Il semblait savoir qu’il était seul et ne reverrait peut-être plus jamais un de ses congénères.
    — Peut-être qu’il te prenait pour l’un des siens, suggérai-je. Tu semblais beaucoup lui plaire.
    — C’était une petite chose toute douce. Quand je lui ai donné une orange, il l’a prise délicatement, comme un chrétien. Tu penses que…
    Il n’acheva pas sa phrase, son regard perdu au loin.
    — Si je pense quoi ?
    — Je me demandais simplement…
    Il se retourna brièvement, vérifiant que les marins ne pouvaient pas l’entendre.
    — Roger m’a dit que la France jouerait un rôle important dans la Révolution. Je me dis qu’une fois à Edimbourg jedevrais me renseigner pour savoir si certaines de mes relations n’auraient pas un pied de l’autre côté de la Manche.
    — Tu n’envisages tout de même pas d’aller en France, si ? dis-je, méfiante.
    — Non, non, répondit-il précipitamment. Je me demandais juste… si nous y allions, l’orang-outan y serait-il encore ? Cela fait très longtemps mais je ne sais pas combien de temps ils vivent.
    — Pas autant que les hommes mais je crois qu’ils peuvent atteindre un âge avancé s’ils sont bien soignés.
    J’étais dubitative mais pas au sujet du singe. Retourner à la cour de France ? Cette seule idée me nouait l’estomac.
    Jamie se tourna vers moi.
    — Il est mort, tu sais, dit-il doucement. Louis.
    — Vraiment ? Je… quand ?
    Il baissa la tête et produisit un petit son qui était presque un rire.
    — Il y a trois ans, Sassenach . C’était dans les journaux même si, je te le concède, La Gazette de Wilmington ne s’est pas attardée sur cette nouvelle.
    — Je n’ai rien vu.
    Je baissai les yeux vers le requin qui nous accompagnait toujours, patient. Après le premier bond de surprise, mon cœur s’était calmé. En fait, j’étais presque reconnaissante, une réaction qui me laissait perplexe.
    Cela faisait longtemps que le souvenir d’avoir partagé la couche de Louis, pendant dix minutes, ne me dérangeait plus ; Jamie et moi avions fait la paix avec la mort de notre premier enfant, Faith, et tous les événements terribles que nous avions vécus à Paris avant le Soulèvement.
    Apprendre la mort de Louis ne changeait rien mais pour autant je me sentais soulagée, comme si un air lancinant au loin s’était soudain arrêté dans un gracieux finale et que le vent portait à présent un

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