Le prix de l'indépendance
semblait bien connaître ces Indiens,et cependant, apparentés ou non, il y avait une tension notable dans ses lèvres et ses épaules. En outre, il était évident qu’il avait présenté William comme son parent afin de le protéger…
« Kahnyen’kehaka », avait répondu l’homme quand il lui avait demandé qui il était. William comprit soudain que ce n’était pas son nom mais celui de son peuple. Murray avait utilisé le même mot la veille après avoir chassé les deux Mingos. Je suis Kahnyen’kehaka… un Mohawk. Ils me craignent . Compte tenu des circonstances, William n’avait pas demandé plus d’explications. Maintenant qu’il était en présence de plusieurs Mohawks réunis, il comprenait mieux la prudence des Mingos. Ces hommes dégageaient une sauvagerie cordiale ainsi qu’une assurance tranquille comme ne pouvaient en posséder que ceux prêts à chanter pendant qu’on les émasculait et les brûlait vifs.
Murray lui tendit une gourde. Il but avidement et s’aspergea le visage. Un peu revigoré, il alla se soulager puis vint s’accroupir devant le feu entre deux braves. Ces derniers le regardaient sans cacher leur curiosité.
Celui qui lui avait ouvert la paupière semblait être le seul à parler anglais. Les autres se contentaient de hocher la tête dans sa direction, réservés mais amicaux. William lança un coup d’œil de l’autre côté du feu et eut un mouvement de recul, manquant de tomber sur les fesses. Une longue forme fauve était couchée dans l’herbe.
— Il est mort, précisa Murray devant sa stupéfaction.
Tous les Mohawks riaient.
Remis du choc, William répondit :
— Bien fait pour lui, si c’est celui qui m’a pris mon cheval.
En regardant plus attentivement, il remarqua que la dépouille du couguar n’était pas seule. Il y avait également un daguet, un cochon sauvage, un autre petit félin tacheté et plusieurs aigrettes faisant taches blanches dans l’herbe noire. Voici qui expliquait la présence des Mohawks dans le marais : comme tout le monde, ils étaient venus chasser.
L’aube pointait. Une faible brise souleva les cheveux moites de sa nuque et lui apporta l’odeur piquante et musquée du gibier mort. Son esprit et sa langue semblaient engourdis mais il réussit néanmoins à complimenter les chasseurs. Murray,qui traduisit ses éloges, eut l’air à la fois surpris et ravi de constater qu’il avait des manières. William n’était pas en état de s’en offusquer.
La conversation prit ensuite une tournure générale et se déroula principalement en iroquois. Les Indiens cessèrent de s’intéresser à William même si l’homme à ses côtés lui tendit aimablement un morceau de viande froide. William le remercia d’un signe de tête et s’efforça de manger. Il se sentait faible et nauséeux. Une fois qu’il eut fini, il salua poliment son voisin et alla s’allonger à nouveau en espérant ne pas vomir.
Murray le suivit du regard puis posa une question en iroquois à ses amis. Celui qui parlait anglais, un petit homme râblé portant une chemise à carreaux en laine et un pantalon en daim, se leva et s’approcha de William.
— Montre-moi ton bras.
Sans attendre qu’il s’exécute, il lui saisit le poignet et retroussa sa manche. William faillit tourner de l’œil.
Lorsque les points noirs eurent cessé de danser devant ses yeux, il constata que Murray et deux autres Indiens les avaient rejoints. Tous examinaient son bras dénudé d’un air consterné. William ne voulait pas regarder mais il osa quand même baisser les yeux. Son avant-bras avait quasiment doublé de volume et des marbrures rouge sombre striaient sa peau du bandage jusqu’au poignet.
L’anglophone… (Comment Murray l’avait-il appelé ? Glouton ?)… sortit son couteau et trancha le bandage. Ce ne fut qu’en sentant la pression se relâcher que William se rendit compte à quel point le bandage était inconfortable. Il réprima l’envie de se frotter le bras, sentant le fourmillement provoqué par le retour de la circulation. Nom d’un chien ! Il avait l’impression d’avoir plongé son bras dans un nid de fourmis rouges, toutes le piquant en même temps.
— Merde ! lâcha-t-il entre ses dents.
Les Indiens connaissaient ce mot car ils se mirent à rire hormis Glouton et Murray qui examinaient toujours son bras.
Glouton (pourquoi l’appelaient-ils ainsi ? Il n’était pas gras) lui tapota délicatement le bras, secoua la tête, déclara
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