Le prix de l'indépendance
capitulent.
L’armée s’étira, bâilla, chercha des distractions. William était engagé dans une partie de dés endiablée avec les caporaux Yarnell et Jeffries quand Perkins apparut à nouveau, hors d’haleine.
— Le colonel Spencer vous envoie ses salutations, mon lieutenant, et le général Clinton vous attend.
— Ah bon ? Pour quoi faire ?
Perkins en resta décontenancé ; il ne lui était pas venu à l’esprit de le demander au messager.
— Euh… parce qu’il veut vous voir.
— Merci infiniment, Perkins, grogna William.
Perkins ne sembla pas remarquer son sarcasme. Il afficha un sourire rayonnant et tourna les talons sans attendre d’être congédié.
— Hé, Perkins !
Le soldat se retourna, perplexe.
— Où est-ce ? demanda William.
— Quoi ? Euh… où est quoi, mon lieutenant ?
— Où se trouve le Q.G. du général Clinton ?
— Ah ! Le hussard… est venu de…
Perkins pivota lentement de gauche à droite telle une girouette, le front plissé par la concentration.
— Par là ! s’exclama-t-il enfin. Je pouvais voir le bout de cette butte derrière lui.
Le brouillard était toujours dense près du sol mais le faîte des collines et des arbres était visible ici et là. William n’eut aucun mal à repérer la « butte » dont parlait Perkins. Elle était surmontée d’une drôle de bosse.
— Merci, Perkins.
Il ajouta précipitamment avant que le soldat ne file à nouveau :
— Vous pouvez disposer.
Il observa Perkins se fondre dans la masse changeante de brouillard et de silhouettes puis, secouant la tête, partit à la recherche du caporal Evans pour lui céder son commandement.
Le hongre n’aimait pas le brouillard. William non plus. Il le mettait mal à l’aise, comme si quelqu’un lui soufflait dans la nuque.
C’était un brouillard marin, lourd, froid et humide sans être oppressant. Il se clairsemait et épaississait dans un mouvement perpétuel. La visibilité était réduite et il distinguait tout juste la forme indécise de la colline que lui avait indiquée Perkins, son sommet ne cessant d’apparaître et de disparaître telle une montagne magique de conte de fées.
Que lui voulait sir Henry ? Etait-il le seul à avoir été convoqué ou s’agissait-il d’une réunion pour informer tous les officiers de ligne d’un changement de stratégie ?
Peut-être les hommes de Putnam s’étaient-ils rendus ? C’était ce qu’ils avaient de mieux à faire. Compte tenu des circonstances, ils n’avaient aucun espoir de remporter la victoire ; ce dont ils devaient être conscients.
Mais sans doute Putnam devait-il préalablement en discuter avec Washington. Au cours de la bataille autour de la vieille ferme, William avait aperçu un petit groupe de cavaliers sur un sommet au loin. L’un d’eux brandissait une bannière qui lui était inconnue. Quelqu’un les lui avait montrés du doigt et avait déclaré en riant : « C’est lui, là-bas. Washington. Dommage qu’on n’ait pas un canon de vingt-quatre en place. On lui aurait appris à danser la gigue ! »
La logique voulait qu’ils se rendent. Cependant, William ressentait un trouble qui n’avait rien à voir avec le temps. Au cours de son mois sur les routes, il avait écouté beaucoup de colons. La plupart étaient eux aussi mal à leur aise, ne souhaitant pas un conflit avec l’Angleterre et, par-dessus tout, ne voulant pas se trouver pris entre deux feux… Ce qui était compréhensible. En revanche, ceux qui étaient décidés à se révolter affichaient une détermination à toute épreuve.
Il espérait que Ramsay était parvenu à transmettre son sentiment aux généraux. Le capitaine n’avait pas paru impressionné par ses informations, et encore moins par ses opinions, mais peut-être que…
Son cheval trébucha et il fut projeté en avant sur sa selle, tirant sur les rênes par réflexe. Agacé, le hongre tourna la tête et tenta de le mordre, éraflant sa botte de ses longues dents.
— Sale bête !
Il frappa le chanfrein de sa monture avec le bout des rênes puis tira dessus, le forçant à tourner le cou jusqu’à ce que ses yeux ronds et ses lèvres retroussées soient presque sur sa cuisse. Lui ayant montré qui était le chef, il relâcha sa prise. Le cheval s’ébroua en secouant violemment sa crinière mais reprit sa marche sans plus renâcler.
Il lui semblait s’être mis en route depuis longtemps mais le brouillard était trompeur, altérant sa perception du temps et
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