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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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poignée de l’ombrelle posée en travers de ses genoux.
    â€” Vous savez, il a dû se passer deux ou trois ans avant que je me permette de pleurer devant ma femme. En fait, je crois que ce fut au moment de la mort d’un petit garçon, deux jours après sa naissance…
    Cette fois, la main féminine revint se poser sur celle de l’homme bien fermement, pour ne pas la quitter. De l’autre, elle déplaça l’ombrelle entre eux afin de mieux dissimuler ce contact.
    â€” Il a fallu quoi, devant vous? Dix minutes?
    â€” Mais les circonstances…
    â€” Non. En passant la porte, mes yeux se sont posés sur vous, et toutes mes défenses sont tombées. Tenez, je me suis senti comme Amélie devant Mathieu, tout à l’heure… J’ai voulu partager les oiseaux de ma jolie demeure avec vous.
    Ce qui passait nécessairement par l’acceptation de son veuvage. Le souvenir des émotions mêlées, la peine d’un côté, l’attirance de l’autre, occupa un long moment son esprit.
    Puis, le père prit le dessus sur l’amoureux. Son visage trahit une certaine préoccupation. Rougissant, il avoua :
    â€” Au sujet d’Amélie… Elle est terriblement sensible, malgré ses airs frondeurs. Cette attirance d’enfant pour votre fils ne risque pas de la blesser?
    â€” Mathieu demeure le meilleur grand frère du monde. Croyez-moi, jamais il n’aura un mot, ou un geste, pouvant blesser.
    â€” Ce garçon tient de sa mère.
    Paul exerça une petite pression sur la main de sa nouvelle amie tout en lui adressant un clin d’œil.
    â€” Je n’ai pas encore le droit de vote, inutile de m’abreuver de jolis compliments pour me séduire.
    â€” Je ne parlais pas à l’électrice… Mais vous avez tout de même percé mes intentions.
    Marie ignora la précision pour convenir plutôt :
    â€” Mathieu me ressemble vraiment. Thalie tient plutôt de son père. Elle a certainement le cœur aussi bon que son frère… mais l’expression de ses sentiments est plus tapageuse.
    Pendant un long moment, le contact léger des doigts combla tous les besoins de communication entre eux. Puis, l’homme fit mine de vouloir se lever.
    â€” Remettons-nous en route. J’aimerais encore vous montrer la rive du fleuve.
    Elle hocha la tête pour signifier son accord et abandonna la main pour ouvrir son ombrelle en se levant à son tour. Elle saisit le bras tendu, s’appuya peut-être un peu plus lourdement sur lui et laissa son épaule effleurer son compagnon tout en marchant. Il l’entraîna vers un bosquet de pin assez dense. Le sol, couvert d’aiguilles, paraissait doux comme un tapis sous les pieds, l’odeur, délicieuse.
    â€” C’est l’endroit le plus discret du parc, commenta-t-il. Je vous parie que tous les jeunes du village, à vingt ans, ont volé ici leur premier baiser.
    Marie le contempla un moment, les yeux rieurs. Elle s’arrêta, leva la tête, ferma à demi les paupières. Comme il ne se passa d’abord rien, elle fit valoir :
    â€” Si vous ne vous dépêchez pas, un plus jeune et plus vif que vous profitera de l’aubaine.
    Les lèvres touchèrent les siennes, douces et légères. La femme regarda autour d’eux. Personne ne semblait s’intéresser à leur petit aparté. Elle leva les doigts vers le menton pour caresser le bouc démodé, puis souffla :
    â€” Si vous souhaitez recommencer, vos chances seront meilleures en coupant cet ornement. Rares sont les femmes attirées par une ressemblance avec le cardinal de Richelieu.
    â€” … La moustache?
    â€” Accordons-lui un sursis. Sans doute survivra-t-elle à un nouvel essai.
    Marie plaça son ombrelle de façon à lui signifier l’ajournement sine die de l’aparté. Elle reprit le bras de Paul et accorda son pas au sien.
    â€” Aucun jeune homme de vingt ans n’accepterait d’en convenir, mais les baisers volés à quarante ans sont considérablement plus émouvants, confia-t-il après quelques pas.
    Sa compagne, elle, n’hésita pas à le croire. Elle demanda bientôt, afin de quitter ce terrain trouble :
    â€” Vous me disiez tout à l’heure craindre de faire jaser, mais le désirer tout à la fois.
    â€” Nous vivons à la campagne,

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