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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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âge?
    â€” Dix-neuf ans.
    Elle demeura un long moment songeuse, puis se résolut à conclure tristement :
    â€” Tu es trop vieux, tu ne peux pas être mon cavalier.
    â€” C’est vrai. Mais si tu étais un peu plus vieille, ou moi, un peu plus jeune…
    â€” Tu aimerais?
    â€” Bien sûr. Mais nous savons tous les deux que cela n’est pas possible.
    Amélie lui montra à nouveau sa parfaite dentition et se redressa pour appuyer son dos contre la paroi rocheuse derrière elle. Rassurée sur sa capacité de plaire, elle se soumettait de bonne grâce aux hasards de la vie, sachant bien qu’un garçon mieux assorti se présenterait à elle l’un de ces jours.
    â€” Ta maman et mon papa sont aussi vieux l’un que l’autre.
    â€” À peu près.
    â€” Tu crois qu’elle voudra de lui pour cavalier?
    ÃŠtre jeune ne signifiait pas être sotte. La nature de cette visite impromptue ne lui échappait pas.
    â€” Je pense que oui. C’est un homme gentil.
    â€” Très gentil.
    Elle mordit sa lèvre inférieure et égara son regard sur l’étendue du fleuve. Mathieu avait une longue expérience des profils butés de petites filles et des larmes refoulées.
    â€” Cela te ferait de la peine? murmura-t-il.
    â€” Maman est morte l’an dernier. Elle s’appelait Amélie, comme moi.
    Cette réponse valait un oui.
    â€” Papa, l’année d’avant, avança le garçon. Il s’appelait Alfred.
    â€” Comme le magasin?
    â€” Il l’a ouvert l’année de ma naissance, très précisément quelques jours plus tôt.
    La fillette demeura silencieuse un instant, ruminant toujours sa question. Elle finit par la formuler.
    â€” Si ta mère a un nouveau cavalier, cela ne te rendra pas triste?
    â€” Les grandes personnes aiment avoir quelqu’un de leur âge dans leur vie. Cela ne changera rien pour moi. Elle n’oubliera jamais papa, mais il est parti…
    â€” Peut-être parle-t-il avec maman, au ciel, comme nous nous parlons.
    â€” Ils doivent s’inquiéter qu’on attrape un rhume, avec nos pieds gelés.
    Elle éclata d’un grand rire. Mathieu ne jugeait pas utile de partager son scepticisme sur les conversations des chers disparus, assis sur un nuage. À la fin, Amélie convint :
    â€” Si papa est heureux, cela me fera plaisir aussi. Il a eu beaucoup de peine.
    Une souffrance aussi grande que celle de la petite fille, cela sautait aux yeux. Le garçon eut envie de passer son bras autour de ses épaules, mais préféra réserver ce genre de tendresse fraternelle à leur seconde, sinon leur troisième conversation. Quand le sang recommença à circuler à peu près normalement dans leurs pieds, la gamine décréta qu’il était temps de rentrer à la maison. Elle ajouta sur le ton de la conspiration :
    â€” Nous prendrons des framboises dans le jardin de madame Langevin. Comme elle ne voit presque plus rien, elle ne s’en apercevra pas.
    Après s’être gelé les orteils à nouveau, ils se livrèrent sans vergogne à ce larcin, puis se dirigèrent vers la rue de l’Hôtel-de-Ville avec des taches suspectes sur les doigts. Alors qu’ils s’approchaient de la grande maison, Amélie confia :
    â€” Françoise est plus grande que moi… Même ici…
    Des mains, elle désigna sa poitrine. Mathieu consentit avec circonspection.
    â€” Oui, tu as raison.
    â€” Elle est assez âgée pour être ta fiancée.
    Le constat ne méritait pas de réponse. Son compagnon s’inquiéta un peu de la nouvelle tournure de la conversation.
    â€” Tu lui plais, tu sais?
    â€” C’est pour cela qu’elle a préféré ne pas venir avec nous.
    â€” Elle est timide. Surtout avec les garçons.
    Visiblement, cette affliction épargnait sa cadette. Cela aussi ne méritait pas vraiment de commentaire. La question suivante arriva sans surprise :
    â€” Est-ce que tu la trouves jolie?
    Mathieu se sentit rougir un peu. Impossible de se dérober, et mentir risquerait de blesser l’aînée.
    â€” Oui, très jolie.
    La gamine lui jeta un regard amusé, passa sans transition au pas de course puis cria sans se retourner :
    â€” Je vais le lui dire!
    Un instant plus tard, elle grimpait l’escalier conduisant à la

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