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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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où le sens commun prévaut le plus souvent. La vie, comme la mort, se montre aux gens dans toute sa nudité. Je pense que la plupart de mes électeurs seront rassurés de reconnaître en moi un de leur semblable, capable de pleurer sa femme sincèrement, puis d’aimer encore. Ceux qui ne comprennent pas des choses aussi élémentaires de l’existence votent certainement déjà conservateur. Vous me plaisez, je ne me cacherai pas.
    â€” Et si jamais les femmes se montrent moins enclines à reconnaître votre logique, la loi électorale vous autorise à ne pas vous en inquiéter.
    La taquinerie lui permit d’oublier le petit vertige lui faisant un peu tourner la tête. Pariait-on son existence sur l’émotion d’une première rencontre? Il semblait disposé à le faire pour elle.
    â€” Croyez-vous vraiment que mes électrices, si j’en avais, me condamneraient, dans les circonstances?
    â€” Seulement celles ayant déjà jeté leur dévolu sur vous, sans doute. Vous représentez un si bon parti, dans votre petite ville…
    Elle pressa sa main sur son bras pour souligner la minauderie. Quarante minutes plus tard, ils longeaient la rive du fleuve. Celui-ci offrait une surface agitée, d’un bleu profond, avec des reflets verdâtres au creux des vagues. Tout le long de la route, des résidences secondaires permettaient aux estivants de profiter de l’air du large.
    â€” Il me semble reconnaître cette petite silhouette, là-bas.
    Une gamine vêtue d’un costume matelot courait sur la plage étroite et un peu boueuse. Derrière elle, à dix pas, suivait un grand jeune homme.
    â€” Et moi la grande, ajouta Marie.
    Ils échangèrent un regard amusé.
    * * *
    â€” Dans le monde entier, c’est mon endroit favori, expliqua Amélie en contemplant ses orteils boueux et nus.
    â€” Tu es très gentille de le partager avec moi.
    Elle lui décocha son meilleur sourire avant de reporter tout de suite son attention sur ses pieds gelés. Si, le soir, elle aimait porter une robe lui allant à mi-mollet, au grand jour, la petite fille prenait toute la place. Au moment de quitter la route, elle avait enlevé ses chaussures et ses bas pour les laisser dans une anfractuosité du roc. « C’est une bonne cachette », avait-elle expliqué avant d’inviter son compagnon à faire de même. Celui-ci avait obtempéré à contrecœur, convaincu qu’une promenade sur les battures ne valait pas une paire de souliers neufs.
    Par ailleurs, trente minutes les pieds dans la vase, parfois léchés par l’eau du fleuve, lui avaient fait regretter l’invitation. Le peu de popularité des bains de mer en ces parages ne tenait pas qu’aux relents de la pudeur victorienne : la crainte de mourir d’hypothermie jouait aussi son rôle.
    â€” Tu viens ici souvent? questionna Mathieu.
    Ils se trouvaient assis côte à côte dans une anfractuosité de la falaise, les fesses sur une grande pierre plate. Le fleuve s’étendait une douzaine de pieds plus bas. Le ressac produisait une musique apaisante.
    â€” Tous les jours, l’été.
    â€” Pendant les autres saisons, tu te retrouverais avec des jambes bleuies de froid.
    â€” Ce n’est pas si glacial. Encore en septembre, l’eau est bonne.
    â€” Tu dois avoir le sang d’un Esquimau.
    Ã€ nouveau, elle lui montra toutes ses dents dans un sourire, certaine qu’il s’agissait d’un compliment. Tout en enlevant la vase agglutinée entre ses orteils avec un bout de bois, elle demanda :
    â€” Me trouves-tu jolie?
    â€” … Oui, très jolie. Surtout avec cette robe.
    â€” Elle vient de ton magasin, c’est pour cela que tu le dis.
    â€” C’est le magasin de maman. Je suis sûr que tu es jolie même avec le costume des ursulines.
    Elle tourna un peu la tête pour voir son visage, afin de s’assurer de son sérieux. La figure très franche de son compagnon la rassura, au point de confier :
    â€” Toi aussi, tu es beau.
    Mathieu répondit dans un éclat de rire. Se faire dire cela deux fois dans la même journée représentait une aubaine. Bien sûr, que le premier compliment vienne de sa mère, et le second, d’une fillette de quatorze ans, réduisait un peu sa satisfaction.
    â€” Tu as quel

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