Le prix du sang
Victoria, deux ans plus tôt, Ãdouard avait consenti à cette expédition après sâêtre assuré de lâexistence dâune petite rivière discrète.
Quelques minutes plus tard, ils sâengageaient dans un chemin de traverse. Au-delà du deuxième rang, avant dâarriver au troisième, ils passèrent un pont étroit, surplombant un cours dâeau.
â Tu peux stationner ici, lâinforma Clémentine.
La voiture se trouvait près dâune barrière donnant accès à un champ, sous un orme immense. Lâhomme ouvrit la portière arrière, récupéra une lourde couverture à carreaux pour la tendre à sa compagne, puis se chargea du panier à provisions.
â Tu me montres le chemin?
Elle le conduisit près du pont, troussant sa jupe afin de franchir la clôture faite de perches de cèdre. Lâobstacle décourageait peut-être les vaches placides, mais certainement pas les jeunes amoureux. La rivière présentait une eau tout à fait limpide. La rive herbeuse descendait en pente douce.
â Nous pourrions nous asseoir ici, indiqua Clémentine.
â Sous les grands arbres, là -bas, proposa plutôt son compagnon. Ce sera certainement plus frais quâen plein soleil⦠et moins visible aussi.
Elle rougit un peu et hocha la tête en guise dâassentiment. Un bosquet bordait les flots. Des buissons denses servaient dâécrin à une petite plage de sable. Ãdouard posa le panier, alla mettre les limonades et les bières à tremper dans lâeau fraîche. Puis, il aida la jeune femme à étendre la couverture sur le sol.
â Tu avais raison, câest joli ici. Tu es déjà venue?
â ⦠Quand jâétais plus jeune.
Son hésitation fit rire son amant. Sans doute ce lieu avait-il abrité certaines de ses privautés. Toutefois, il se souvenait trop bien de leur « première fois » pour penser que les villageois peu dégourdis lâavaient entraînée bien loin dans ces jeux. Lâessentiel, il en avait été le premier et le seul bénéficiaire.
Le panier contenait les victuailles habituelles pour les circonstances : du pain, du fromage et des fruits. Les commentaires sur la douceur de la température et la beauté du site occupèrent seuls la conversation. Le repas fut suivi des jeux de mains prévisibles, « inévitables », songea-t-elle au moment où une main remontait entre ses jambes, dépassant le haut de ses bas.
â Quelquâun pourrait nous voir, murmura-t-elle en serrant les cuisses de toutes ses forces.
â Tu mâas assuré que ce coin demeurait discret.
La simple vue dâune voiture garée dans le chemin de traverse suffirait à attirer lâattention de jeunes gens curieux. Les curés insistaient trop, dans leur sermon du dimanche, sur les dangers moraux de ces « machines » pour les jeunes filles. Personne ne se priverait dâune occasion de jouer au voyeur si elle se présentait.
Malgré tout, elle relâcha un peu les muscles, laissa les doigts atteindre son sexe et tâter la chair moite à travers le tissus léger de la culotte. La caresse leva un peu ses inquiétudes; elle abandonna à la fois son entrejambe à la main et sa bouche à la langue agile. Comme le condom était demeuré dans le tiroir de la table, près du lit, le tout se solderait par les pratiques les plus honteuses de leur répertoire, sans doute.
La présence de nombreux soldats dans la ville de Québec avait entraîné le développement dâun nouveau commerce illicite dans les tavernes obscures. Des photographies « coquines », de la taille dâune carte postale, sâécoulaient à un bon prix. La plupart montraient une femme aux seins nus, souvent lovée contre le corps dâun soldat en uniforme sâapprêtant à rejoindre la ligne de feu. Ãdouard lui en avait montré de bien plus révélatrices, lui faisant découvrir lâusage de la bouche dans des activités fort intimes.
Le jeune homme avait insisté pour introduire ces nouvelles pratiques dans le menu habituel de leurs ébats. Sâabaisser à cela heurtait fort la pudeur de la jeune femme. Sây livrer à un endroit où le risque dâêtre surprise sâavérait réel la troublait encore
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