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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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du pays, mais je ne reconnais à aucun gouvernement le droit de nous imposer le service obligatoire pour prendre part aux guerres impériales… Je n’accepterai pas la conscription, votée ou non, décrétée par le gouvernement ou non. Je serai pendu ou fusillé, mais je demanderai toujours, avant la conscription, des élections et un référendum… D’ailleurs, le gouvernement Borden ne nous représente plus; ses pouvoirs sont périmés, et il prend ses ordres de l’Angleterre. Or, le Canada est autonome, et nous ne devons à l’Angleterre, selon le mot de Sir Richard Cartwright, que le pardon chrétien pour le mal qu’elle nous a fait.
    Puis, il prononça à nouveau la phrase vieille de dix jours, répétée dans chaque réunion politique :
    â€” On parle des atrocités allemandes en Belgique. Que l’Angleterre, avant de se voiler la face, commence par rendre la liberté aux Irlandais et cesse de les fusiller dans les rues.
    La tension monta encore d’un cran. Les cris redoublèrent. Depuis le soulèvement de Pâques 1916, pendant lequel quelques centaines de patriotes avaient encerclé et tenu le bureau de poste de Dublin et des bâtiments environnants, le Royaume-Uni menait une répression cruelle contre les partisans de l’indépendance de l’Irlande. Elle était d’autant plus dure que les nationalistes avaient obtenu l’aide de l’Allemagne pour mener ce soulèvement. Dans ces circonstances, certains Canadiens français jugeaient bien ironique d’aller mourir en Flandre pour empêcher les Allemands de faire en Belgique ce que les Britanniques paraissaient soucieux de perpétuer dans la verte Érin.
    â€” Ces gens devraient intervenir, cria Thalie pour couvrir le raffut autour d’elle.
    Elle jeta un œil du côté des agents de la paix.
    â€” L’effectif se compose à peu près également entre Canadiens français et Irlandais, expliqua Mathieu. À leurs yeux, pareil discours doit sembler très raisonnable.
    Ã€ ce moment, quelqu’un cria dans la foule :
    â€” Au Chronicle !
    â€” Oui, oui, au Chronicle ! insistaient de nouvelles voix.
    Le quotidien de langue anglaise défendait la conscription. Cela semblait un affront inacceptable à plusieurs. Des personnes se détachèrent de la multitude pour passer dans la rue Saint-Jean. Leur nombre passa à cent, puis à mille.
    â€” Nous rentrons, prononça Mathieu en plaçant son bras autour des épaules de sa sœur.
    L’électricité dans l’air incita l’adolescente à demeurer coite et à lui emboîter le pas sans discuter. Le chemin s’avérait le même que celui des manifestants. Au moment où ceux-ci, hurlant et gesticulant, s’engagèrent dans la rue de la Fabrique, le garçon indiqua encore :
    â€” Passons par la rue Garneau, puis par la ruelle. Personne ne paraît vouloir s’en prendre aux commerces, mais je ne me vois pas déverrouiller la porte devant ce troupeau affolé.
    Quelques minutes plus tard, ils gravissaient l’escalier de service à l’arrière et pénétraient directement dans la cuisine de l’appartement. Depuis le couloir, Gertrude déclara d’une voix forte :
    â€” Les voilà, madame.
    Marie se trouvait dans le salon, penchée à la fenêtre. Elle se tourna, le visage préoccupé.
    â€” Vous n’irez plus à ces assemblées.
    Au ton de sa voix, aucun des deux enfants ne répliqua. Thalie lui fut même reconnaissante de ne pas limiter cet interdit à sa seule petite personne. Elle se pencha à son tour à la fenêtre.
    â€” Personne n’a brisé quoi que ce soit?
    La masse des protestataires occupait toute la largeur de la rue, obligeant les tramways ainsi que les voitures hippomobiles et automobiles à s’arrêter. Personne n’osait protester devant ces gens en colère.
    â€” … Non. À part les cris et les gestes menaçants, rien.
    â€” Je vais descendre dans la boutique, déclara Mathieu en quittant la pièce.
    Au passage, le jeune homme se munit d’un solide bâton de baseball. Bien sûr, il ne pourrait pas s’opposer à une effraction menée à plusieurs, mais sa silhouette à travers les fenêtres découragerait les moins téméraires.
    â€” Ils se rendent

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