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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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hésitant.
    â€” Ne fais pas l’imbécile, tu risques de te noyer. Si tu nous accompagnes, tu feras un peu de prison, puis tu passeras en Angleterre.
    L’eau effleurait la glace. Le déserteur prit bien garde de ne pas perdre pied : l’impact d’une chute lui ferait crever la surface. Il glisserait sous la pellicule glacée pour ne plus reparaître. Soudainement, un craquement lugubre se fit entendre. Il sauta vers l’autre rive, s’enfonça dans le liquide bouillonnant jusqu’aux genoux et pataugea jusqu’à la terre ferme. Personne n’oserait plus traverser après lui.
    Ses poursuivants se consultèrent du regard. L’un des militaires fit le geste d’épauler son arme, mais le caporal abaissa le canon en disant :
    â€” On l’attrapera bien plus tard.
    Le trajet jusqu’à l’orée du bois se révéla bien long. L’absence de tout repère les força à suivre exactement leurs traces, et la chasse s’était déroulée en zigzags. L’obscurité s’appesantissait sur Saint-Pierre au moment où ils passèrent de nouveau devant la maison des Tremblay. La mère se tenait debout sur le perron, son manteau sur les épaules. Le bruit du coup de feu l’avait remplie d’horreur; en les voyant revenir bredouille, elle ne put réprimer un demi-sourire.
    Un instant, le chef de la petite expédition songea à aller lui parler. Il fit même quelques pas en sa direction. Puis, il secoua la tête et retrouva ses compagnons.
    â€” Autant rentrer. En passant, nous dirons un petit bonjour à monsieur le curé, histoire de nuire un peu à sa digestion.
    Quand les voitures entrèrent dans l’allée longeant le côté du presbytère, les phares jetèrent une lumière jaunâtre sur la nappe rouge. Cela lui donna un moment une teinte sanglante. L’agent spécial la remarqua pour la première fois.
    â€” La vieille sorcière, souffla-t-il.
    * * *
    En ce Jeudi saint, Édouard quitta le magasin PICARD assez tôt, avec un tout autre projet que faire ses dévotions. Le vent venu du fleuve s’avérait glacial, l’atmosphère chargée d’humidité. Au moment de traverser la rue Dorchester, il s’aperçut bien de la présence de trois hommes adaptant leur pas au sien. Il continua sans trop leur prêter attention.
    â€” Sir , entendit-il bientôt.
    Le jeune homme s’arrêta, les contempla sans comprendre.
    â€” Papers!
    â€” Je suis marié, prononça-t-il en enlevant son gant de la main gauche afin de montrer son alliance.
    â€” Papers .
    Visiblement, les longues explications ne servaient à rien. Édouard répéta, cette fois en anglais, même s’il soupçonnait ses interlocuteurs de très bien le comprendre :
    â€” Je suis marié. Vous me connaissez certainement… le magasin PICARD.
    â€” Come with us .
    â€” Voyons, soyez sérieux.
    Alors qu’un agent spécial se tenait devant lui, les deux autres firent mine de lui saisir les bras. Mieux valait éviter la discussion, ces malotrus transportaient vraisemblablement une matraque plombée dans leur poche. Sans un autre mot, il leur emboîta le pas.
    Ils empruntèrent la rue Dorchester vers le nord, puis tournèrent à droite dans Saint-François. Le poste de police numéro trois se trouvait tout près : une bâtisse de brique semblable aux demeures avoisinantes. Près de l’entrée, un agent se tenait derrière un bureau. Édouard déclara en entrant :
    â€” Monsieur, vous me reconnaissez sans doute… Picard, le fils Picard.
    â€” Put him in cell , dit le chef de trio de spotteurs.
    â€” Vous ne pouvez faire cela! Je suis un homme marié, pas un déserteur.
    â€” Suivez-moi, prononça l’agent en quittant son siège.
    Le prisonnier demeura un moment interdit. Le policier fit lentement valoir :
    â€” Ne vous énervez pas. Si vous dites vrai, cela sera tiré au clair bien avant de vous expédier en Angleterre. En attendant, faites ce que je dis.
    Un moment plus tard, le bourgeois de la Haute-Ville se retrouva dans un cachot large de quatre pieds et profond d’environ huit. Les murs de brique avaient été blanchis à la chaux. Une couchette occupait la moitié de l’espace minuscule, un seau d’aisance, posé dans un coin,

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