Le prix du sang
parcourant le cimetière. Les personnes dont le nom ne se trouvait pas sur les pierres tombales feraient lâobjet dâune recherche plus attentive.
Après une heure, ils remirent le registre à son propriétaire en demandant :
â Maintenant, dites-nous où habite ce Tremblay. Et rappelez-vous, le mensonge est un vilain péché.
Le prêtre se troubla et finit par donner des explications qui, si elles ne sâavéraient pas inexactes, demeuraient au mieux confuses.
* * *
Avec les arbres dénudés et le sol couvert de neige, une grande pièce de tissu écarlate ne pouvait passer inaperçue. Comme le presbytère se trouvait sur une petite butte, les paroissiens lâapercevaient sans mal. Les agents spéciaux et les policiers militaires découvrirent finalement la ferme Tremblay, au fond dâun rang. Une mère de famille nerveuse, tremblante même, entourée de très jeunes enfants, répondit à la porte.
â Votre fils Napoléon se trouve-t-il ici?
â ⦠Je nâai aucun fils de ce nom.
â Look everywhere, the barn, the pigsty, even the backhouse , ordonna le responsable de la petite expédition.
En se retournant de nouveau vers la mère éplorée, il continua :
â Nous allons fouiller la maison. Enlevez-vous de notre chemin.
Sentant la tension, les plus jeunes pleurnichaient déjà . La mère ne tarderait pas à les imiter. Les deux hommes en civil parcoururent rapidement les pièces du rez-de-chaussée, la chambre à coucher des parents et la grande salle faisant office de cuisine, de salle à manger et de séjour. à lâétage, sous le toit en pente, lâespace se trouvait séparé en deux par une mauvaise cloison de planches. Dâun côté couchaient les filles, de lâautre les garçons, sur des paillasses posées sur des cadres de bois.
Ils sâapprêtaient à sortir quand lâun dâeux sâattarda à une catalogne posée dans un coin. Il la poussa du pied afin de découvrir un rectangle dans le plancher. Un anneau lui permit de soulever sans mal une trappe. Cette cave creusée dans la terre, constatèrent-ils bien vite, ne recelait rien dâautre quâune provision de patates, dâoignons et de carottes, lâessentiel des provisions alimentaires de la famille jusquâà lâété suivant.
Au moment où les deux hommes sortaient, la mère prononça, une pointe dâexaspération dans la voix :
â Je vous lâai dit, je nâai aucun garçon nommé Napoléon.
â Nous finirons bien par lui mettre la main dessus.
Dehors, ils retrouvèrent les militaires. Ils nâavaient découvert personne, mais le caporal leur montra du doigt des traces fraîches dans la neige, une ligne un peu sinueuse allant vers la lisière de la forêt, tout au plus à deux arpents.
â Le cochon, murmura lâun des spotteurs. Nous faire courir dans les bois!
Ils suivirent pourtant les traces dans la neige lourde, mouillée, pénétrèrent sous le couvert. Les arbres dénudés permettaient dây voir assez bien. Ils sâenfonçaient maintenant jusquâaux genoux, leurs pantalons se chargeaient dâeau. Elle sâinsinuait également dans les bottes de cuir. Les jurons soulignaient une progression difficile. Bientôt, devant eux, une ombre se profila entre deux arbres.
â Le voilà ! hurla un homme en pointant son index.
Une poursuite sâengagea immédiatement. Lâun des spotteurs cria :
â Napoléon, ne nous mets pas en colère, cela ne te vaudra rien de bon! Déjà , jâai les pieds trempés.
Sans doute parce quâil ne comptait pas les voir sâengager dans la forêt, le fuyard nâavait pas pris la peine de se munir de raquettes. Lâavantage de bien connaître les lieux se révélait inutile, à cause des traces dans la neige. Une heure plus tard, ses poursuivants toujours sur les talons, le déserteur se trouva sur la rive dâune petite rivière au cours gonflé par la fonte des neiges.
â Tu vois bien que câest inutile. Nâaggrave pas ton cas.
Pour souligner les paroles de son chef, lâun des militaires déchargea son fusil Ross vers le ciel. Napoléon se retourna, la peur marquant ses traits. Il sâengagea sur la rivière dâun pas
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