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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’apprenez pas à parler franc au Petit Séminaire?
    â€” Oui, mais les curés se trouvent dans une classe à part, en tant qu’interprètes de la parole de Dieu. Peut-être que le grand barbu, sur son nuage, nasille.
    La veuve échappa un rire bref, mais craignit un instant de se mettre à pleurer à nouveau.
    â€” Tu parles comme lui, maintenant.
    Les larmes ne vinrent pas. Sa tristesse prenait une dimension sereine, presque douce.
    â€” Tout de même, tous ces détestables curieux à la basilique, intervint Thalie à son tour. Ces gens n’ont même pas le tact de laisser les parents ou les amis vivre leur deuil en paix.
    â€” Ce sont des vautours, prononça Gertrude de sa voix éraillée. Penses-y, un homme mort dans un grand naufrage : ses funérailles valaient un concert de la Garde Champlain, comme spectacle.
    Le chemin Sainte-Foy devint la rue Saint-Jean. Quand la berline s’engagea dans de la Fabrique, chacun poussa un soupir, heureux de revenir à la maison. Édouard sauta le premier sur le trottoir et tendit les deux mains à Gertrude afin de l’aider à descendre. Thalie lui adressa un sourire pour le remercier de la même attention à son égard, mais regagna seule le sol avec la vivacité d’une chatte.
    Marie accepta son aide en murmurant un « merci » très doux. Puis, elle s’arrêta devant la porte du commerce de vêtements, laissée grande ouverte après le passage de sa fille.
    â€” Je me demande ce que je vais faire, maintenant.
    Mathieu passa son bras autour de ses épaules avant de répondre :
    â€” Mais maman, tu vas faire ce que tu fais depuis ma naissance : diriger le magasin.
    Durant un bref instant, l’envie de protester lui vint à l’esprit, mais elle pénétra dans le commerce en silence. Au fond, son fils décrivait bien la situation des dernières années.
    * * *
    Le lundi matin suivant, le magasin ALFRED fut abandonné aux seules vendeuses le temps de passer au bureau du notaire Dubois, rue Saint-Jean. Sachant que cette femme devait désormais assurer la subsistance de sa famille, le professionnel la reçut aussi tôt que huit heures trente. Elle se retrouva dans une grande pièce au décor vieillot avec ses murs lambrissés de bois et son tapis fleuri si usé par endroit que la corde de la trame demeurait visible.
    â€” Jeune homme, demanda le notaire, allez chercher une chaise dans la salle d’attente.
    Mathieu s’exécuta alors que sa mère et sa sœur occupaient les sièges placés devant une immense table de travail. À son retour, le vieil homme tirait d’une chemise un document de format légal en disant :
    â€” Madame, je ne vous apprends rien en disant que votre mari était un peu… original. Cela transparaît dans la forme de son testament, qui reprend ses propres mots. Mais ne vous inquiétez pas, pour le fond, tout est rigoureusement conforme aux usages.
    â€” Original à quel point? questionna Marie alors que la commissure de ses lèvres trahissait son envie de rire.
    â€” Écoutez comment cela commence.
    L’homme prononça de sa voix posée :
    Il fait froid, l’obscurité s’étend sur la ville depuis le milieu de l’après-midi. Quoi de mieux, pour clore une journée aussi désagréable, que de dicter mes dernières volontés à ce vieux Dubois.
    Le notaire leva la tête du document pour préciser :
    â€” Il est venu me voir en janvier, il y a un peu plus de cinq ans et demi. Je continue.
    Ã‰videmment, si vous entendez ceci, c’est que je suis mort. J’espère juste que ce ne sera pas trop tôt. Marie, je te laisse le magasin. Je veux dire la bâtisse dont l’hypothèque est payée depuis quelques jours, le logement et son contenu, la marchandise, et malheureusement les dettes, si on en a au moment de mon décès. Tu as gouverné le navire avec moi, tu continueras sans moi sans grande difficulté. J’espère juste que je n’ai pas posé trop souvent un bouquet de fleurs près de la caisse enregistreuse, au fil des ans.
    Le notaire leva des yeux interrogateurs sur sa cliente qui, des larmes sur les joues, se limita à préciser :
    â€” Une petite blague entre nous. Continuez, je vous prie.
    Mathieu, mon sixième du grand magasin Picard te revient. Je

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