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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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autour de sa taille fine, le temps de l’entraîner sous une porte cochère. Un instant plus tard, ses lèvres se posaient, légères, sur sa bouche surprise. Puis, le scénario précédent, mettant en vedette la main, se répéta cette fois avec son petit visage. La jeune fille se raidit d’abord, voulut protester, puis une curieuse langueur s’empara d’elle. Les sensations éprouvées au théâtre revenaient, plus fortes et une lourdeur pesait sur son bas-ventre.
    Ã‰douard laissa glisser ses lèvres sur la ligne de la mâchoire, s’arrêta sur la peau très douce sous l’oreille gauche. Le nez dans les boucles blondes, il apprécia l’odeur de rose et saisit le lobe entre ses lèvres pour tirer légèrement. Clémentine posa ses mains sur ses épaules. Elle s’affaissa un peu, gémit doucement. Les remarques des confesseurs sur la faiblesse de la chair prenaient tout leur sens.
    â€” Non… non, il ne faut pas.
    La langue titilla un peu le lobe, descendit le long de la jugulaire. Le contact suffit à la faire taire, le temps pour lui de glisser sa main contre le flanc et d’apprécier la chaleur de la chair sous la robe. Au moment où sa bouche retrouvait l’autre bouche, ses doigts s’emparèrent d’un sein menu, tiède et ferme, couronné d’une fraise raidie…
    â€” Non, arrêtez.
    Le mouvement de recul, le ton désespéré amenèrent Édouard à retirer sa main et à se redresser pour regarder le petit visage levé vers lui.
    â€” Ce n’est pas bien, insista-t-elle.
    En même temps, la crainte de le voir tourner les talons pour ne jamais revenir la tenaillait. Que fallait-il accorder pour retenir un homme de la Haute-Ville? Où fallait-il s’arrêter pour ne pas passer pour une traînée?
    â€” Vous êtes tellement jolie, prononça-t-il en posant sa paume sur une de ses joues. Je ne peux m’en empêcher.
    â€” Ce n’est pas bien…
    â€” Vous êtes si désirable.
    Les doigts légers caressaient sa joue, déplaçaient les bouclettes blondes dépassant sous la cloche du chapeau. Elle inclina la tête en levant l’épaule gauche, ferma les yeux.
    â€” Vous penserez du mal de moi.
    â€” Pourquoi dites-vous une chose pareille?
    â€” … Les hommes n’aiment pas les filles…
    Plus exactement, les hommes classaient l’autre moitié du monde en deux groupes : les femmes jetées après un usage intime dans une cour sombre et les mères de leurs enfants.
    â€” Jamais je ne penserai du mal de vous, vous le savez.
    Ã‰douard se pencha sur elle, effleura ses lèvres, puis murmura :
    â€” Je vais vous reconduire.
    Quelques minutes plus tard, tous les deux se serraient la main devant la porte de la maison de chambres.
    â€” Accepteriez-vous de m’accompagner sur la terrasse Dufferin demain… ou après-demain? Quand cela vous conviendra le mieux. Nous pourrons entendre quelques valses.
    Clémentine rougit violemment, certaine que sa petite poitrine n’échapperait désormais plus aux doigts inquisiteurs. Elle répondit pourtant :
    â€” J’en serais heureuse. Demain, si vous voulez.
    â€” Je te remercie.
    Ce premier tutoiement marquait une nouvelle intimité entre eux.
    * * *
    Le Quebec High School for girls se dressait rue Saint-Augustin. Depuis les fenêtres en façade, la vue de l’édifice de l’Assemblée législative se révélait imprenable. La distance à parcourir, depuis le commerce ALFRED, exigeait que Thalie parte de la maison une dizaine de minutes plus tôt que l’année précédente. Le mercredi 3 septembre, elle parcourut le trajet de son pas décidé pour la première fois, petite et mince dans sa longue jupe noire et sa veste de la même couleur. Ses cheveux formaient une lourde tresse qui lui battait les épaules au moindre mouvement de la tête. Son chapeau genre canotier, noir aussi, s’inclinait sur son œil droit.
    L’immeuble de brique comptait sept classes entre lesquelles, lors de cette rentrée 1914, se partageaient cent vingt-huit élèves, âgées entre douze et dix-huit ans. Parmi elles, quatre catholiques bravaient les interdits. Trois venaient de familles de souche irlandaise désireuses de leur assurer une meilleure formation qu’au

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