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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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insista-t-elle.
    Si les rapports entre Eugénie et la petite domestique étaient demeurés au beau fixe, cela tenait simplement au fait que la seconde devait impérativement gagner sa vie. La menace de se retrouver à la rue rendait impossible tout esprit de rébellion contre une patronne tatillonne.
    â€” Ton idée se défend. Je ne souhaite certainement pas la voir revenir ici avec ses valises après quelques semaines sous prétexte que madame Dupire exagère un peu sur le sucre à la crème.
    L’humour de Thomas sonnait faux. Sa fille ne comptait certainement pas parmi les personnes faciles à vivre. Le notaire et son épouse semblaient bien placides, mais demeuraient des étrangers.
    â€” Toutefois, si Jeanne accepte, et tu ne pourras pas la forcer, tu devras te dénicher une autre employée et la former.
    â€” Ce ne sera pas bien compliqué : tous les automnes, nous recevons deux ou trois lettres de curés de la campagne cherchant une place pour une petite protégée.
    Toute personne possédant un directory pouvait envoyer des missives afin d’offrir ses services, ou ceux d’une autre, à des habitants de la Haute-Ville.
    â€” Dans ce cas, fais pour le mieux. Je vais voir si mon chauffeur capricieux se tire bien d’affaire avec cette roue.
    Restée seule dans la salle à manger, Élisabeth agita une petite clochette d’argent. Jeanne apparue bien vite près d’elle en disant :
    â€” Madame?
    â€” Venez près de moi, je veux vous parler.
    Les invitations à s’asseoir avec sa patronne étaient rarissimes – guère plus d’une fois par mois, sans doute moins – et annonciatrices d’une remontrance ou d’une petite mise au point.
    â€” Vous savez certainement qu’Eugénie nous quittera dans un peu plus de deux semaines.
    Â«Â Dans quinze jours, très exactement », songea la jeune femme. Elle attendit la suite en silence.
    â€” Elle sera terriblement seule dans sa nouvelle famille. Que diriez-vous de l’accompagner?
    La domestique écarquilla les yeux, incertaine du sens à donner à ces paroles.
    â€” Cela se fait souvent : au moment de son mariage, une jeune épouse passe dans sa belle-famille accompagnée d’une employée familière.
    â€” Vous voulez dire que je travaillerais chez les Dupire?
    â€” Plus exactement pour Eugénie. Les Dupire ont déjà leur personnel. Bien sûr, vous êtes la première à qui j’en parle. Accepteriez-vous de passer chez ses beaux-parents?
    Jeanne demeura songeuse. Elle se faisait plutôt une fête de voir la fille aînée quitter la maison. Son travail s’en trouverait fort allégé. À la fin, Élisabeth crut bon d’insister :
    â€” Bien sûr, il y aura une gratification pour vous. Si vous acceptez de rendre ce service, je me rendrai tout de suite chez eux pour arranger les choses. Je suis certaine que vous serez très bien traitée…
    Le notaire et sa femme venaient assez souvent chez les Picard. Il ne s’agissait pas d’inconnus. Le personnel de la maison de ce couple ennuyeux et moral ne devait pas trouver à se plaindre. Puis, Eugénie lui inspirait une certaine pitié. Les avatars de l’existence des maîtres n’échappaient guère aux domestiques. Des années plus tôt, elle avait deviné la grossesse avant même la principale intéressée, trop gourde pour comprendre sa condition. L’absence de serviettes hygiéniques dans le panier du linge à laver avait fourni un indice révélateur.
    â€” Si vous croyez que cela lui sera utile, je veux bien.
    Ã‰lisabeth soupira d’aise, posa sa main sur la sienne, puis prononça, reconnaissante :
    â€” Merci, Jeanne. Je vais tout de suite discuter de ce projet avec madame Dupire. Ne dites rien à ma fille, au cas où sa belle-mère y verrait un obstacle.
    Un moment plus tard, toujours étonnée de ce nouveau développement, la domestique voyait sa patronne quitter la salle à manger en troussant sa jupe pour aller plus vite.
    * * *
    Un mariage célébré en octobre permettait de réduire les exigences du décorum. Le ciel gris et pluvieux, les arbres dénudés rendaient le port de la robe blanche et la présence de la foule des amis moins nécessaires. Eugénie étrennait une jupe indigo, une veste

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