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Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l’armée?
    â€” Les nôtres n’ont aucune raison d’aller se faire tuer pour défendre les intérêts de l’Angleterre… Mais où as-tu entendu cela?
    â€” Au High School. Les filles disent que nous ne faisons pas notre part pour notre pays.
    â€” Elles s’imaginent donc que leur pays est le Royaume-Uni, car personne ne menace le Canada. Puis, si notre pays cessait de fermer les écoles françaises, nous serions plus disposés à nous enrôler.
    Mathieu jeta un regard en biais vers sa sœur avant de préciser :
    â€” Ce sont les arguments répétés tous les jours au Petit Séminaire. Nous avons plus à craindre l’intolérance des Anglais du Canada que celle des Allemands en Europe, selon mes professeurs et la plupart des étudiants. Tes nouvelles camarades te font-elles des misères à cause de cela?
    L’adolescente demeura un moment songeuse, puis répondit :
    â€” Pas vraiment des misères. Mais toutes prétendent que les Canadiens français ne font pas leur devoir.
    Devant elle, la condamnation ne se révélait pas trop brutale. Dans son dos, les élèves du High School n’hésitaient toutefois pas à parler de lâcheté.
    â€” Au Petit Séminaire, les rares étudiants désireux de s’enrôler sont tournés en dérision.
    Lentement, le pays se divisait sur la question de la participation à la guerre.
    * * *
    Ã€ ce moment, les Picard et les Dupire se trouvaient depuis vingt minutes dans le salon du père de la mariée. Selon la tradition, le coût de la cérémonie et de la réception relevait de lui. Revêtue de son meilleur uniforme noir, sa coiffe empesée de frais, Jeanne se promenait dans la pièce avec un plateau afin d’offrir un verre de champagne aux convives. Eugénie fut la première à prendre le sien.
    â€” Toutes mes félicitations, Mademoi… je veux dire Madame, balbutia la domestique.
    â€” Merci…
    Elle ne sut comment enchaîner avec les mots de circonstance. Pourtant, depuis les sept dernières années, la jeune bonne faisait de son mieux pour satisfaire ses besoins, et même ses caprices. Bien plus, elle verrait sa propre existence bouleversée afin de continuer à le faire.
    La domestique se tourna vers le jeune marié et répéta pour lui la formule de politesse.
    â€” Merci. Vous ne serez pas trop déçue de quitter cette maison? Vous y avez été heureuse, je crois.
    Jeanne se mordit la lèvre inférieure et réprima la première réponse venant à son esprit. Le bonheur se combinait mal avec la nécessité de servir les autres. À la fin, la diplomatie lui sembla préférable.
    â€” Je suis certaine que je serai très bien traitée chez vos parents.
    â€” Vous continuerez d’être essentiellement au service de mon épouse.
    â€” Je comprends. Madame… Je veux dire madame Picard m’a expliqué qu’il s’agissait d’une tradition, en quelque sorte. Je m’en voudrais d’aller à l’encontre des usages.
    La jeune bonne esquissa une mauvaise révérence et continua à faire le tour des invités. Rapidement lassés de la station debout, les parents Dupire trouvèrent un chesterfield où poser leurs fesses rebondies. Comme chacun demeurait un peu emprunté, Thomas frappa bientôt son alliance sur son verre de champagne. Le petit tintement suffit pour attirer l’attention de l’assemblée silencieuse.
    â€” Mes chers amis, et maintenant parents, puisque nos enfants viennent de créer un nouveau lien entre nous, un lien vivant, levons nos verres aux mariés. Souhaitons ensemble que bientôt des enfants viennent sceller cette union.
    Eugénie réussit à réprimer une grimace de dépit. Quand les verres furent vides, Élisabeth invita les convives à passer dans la salle à manger. Les repas de noce généraient habituellement leur lot de récits à double sens, de fous rires et de rougeurs chez les jeunes époux. Celui-là faisait exception. Pour rompre un silence trop lourd, Édouard orienta la conversation sur le grand événement : dans le port d’Halifax, des dizaines de milliers de soldats s’embarqueraient vers l’Europe au cours de la prochaine nuit.
    * * *
    En fin d’après-midi, Édouard se transforma une nouvelle

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