Le prix du secret
endroit ?
— Un petit château, dans la région du Mans. Je t’ai dit un jour que Gerald avait des ancêtres français. Ses cousins éloignés vivent là-bas.
Je lui parlai d’Hélène, avant de préciser :
— Je dois aussi porter les salutations de la reine à Paris, en qualité d’émissaire royale. Notre groupe inclut trois hommes de Sir William Cecil et la propre escorte de Blanchard.
— Et vous avez résolu d’aller chercher cette Hélène, puis de pousser jusqu’à Paris quoi qu’il advienne. Tu es venue en France à seule fin de satisfaire la reine et messire Blanchard ?
— J’étais heureuse de m’éloigner de la cour. Je suis lasse des intrigues. Je… Je travaille pour Cecil. Il me paye afin que je découvre des secrets pour lui. Tu en sais quelque chose.
— Oui. J’ai fini par le comprendre l’an dernier, quoique cela me dépasse qu’on puisse charger une jeune femme d’une telle besogne.
— J’ai besoin de cet argent pour Meg. Toutefois, ma dernière entreprise ne s’est pas bien passée. J’ai perdu confiance.
Dale et Brockley savaient dans quelles circonstances j’avais préparé du poison, mais je ne voulais en parler à personne d’autre, pas même à Matthew.
Je tenais encore moins à évoquer ma peur de contaminer ma fille. Je n’y croyais même plus. Je commençais à penser que ce qu’elle ignorait ne pouvait lui nuire, et elle me manquait terriblement. Même si je ne pouvais la garder près de moi à la cour d’Élisabeth, je la savais proche, à Thamesbank, au bord du fleuve comme la plupart des résidences royales et facile à rejoindre en bateau. La mer qui s’étendait entre nous ressemblait à une barrière infranchissable, dans mon esprit.
Je repoussai ces pensées, comme si Matthew avait pu les lire en moi.
— J’avais besoin d’un répit, continuai-je. Aussi, j’ai accepté de voyager avec mon beau… Mon ancien beau-père.
— Je vois. Cependant, tu as demandé de mes nouvelles.
— J’étais dans ton pays. Comment aurais-je pu m’en empêcher ? Je crois que c’était mon idée dès le départ. Je voulais juste passer près de toi.
Matthew versa le vin et, se levant, me tendit une coupe et m’offrit une pâtisserie. Je me rappelai sa façon d’évoluer, avec une souplesse féline.
— Tu mets ta vie en danger du seul fait que tu m’es liée, dit-il, se rasseyant, sa coupe à la main. Les huguenots ne me portent pas dans leur cœur, et pas uniquement en raison de mon appartenance à la vraie foi. C’est pourquoi je suis ici sous le nom de Mark Lenoir.
— Tu les espionnes ?
— On peut le dire ainsi. Par conséquent, beaucoup aimeraient mettre la main sur moi, et pas pour me donner une claque amicale sur le dos, sois-en sûre. J’ai aussi dû esquiver des agents anglais qui me soupçonnent de détenir des informations utiles sur les adeptes du catholicisme dans leur pays.
— Et c’est vrai ?
— Peut-être. J’œuvre toujours pour la cause de Marie Stuart, du mieux que je le peux ici. J’entretiens des rapports avec ses partisans en Angleterre. Je n’en fais pas mystère devant toi, Ursula. Tu es dans la confidence de Cecil. Tu en sais sans doute presque autant que lui, de toute manière.
Sa voix était amère. La mienne aussi, lorsque je répliquai :
— J’en ai assez de Marie Stuart et de sa cause ! Que ne se contente-t-elle de gouverner l’Écosse, au lieu de convoiter le trône de sa cousine ! Et à quoi bon revenir sur tout cela ? Nous en avons déjà débattu en long et en large ! J’ai la conviction qu’Élisabeth est légitime : les catholiques soutiennent le contraire. Nous ne serons jamais d’accord. D’ailleurs, à voir l’état de la France en ce moment, ajoutai-je d’un ton acerbe, il me semble que tu as bien assez à faire pour y défendre la vraie foi, comme tu l’appelles, sans t’attaquer à l’Angleterre !
— Et tu me demandes pourquoi nous devons parler de tout cela ? Je ne le sais. À chacune de nos rencontres, nous discutons de choses étrangères à notre vie privée. Ursula, tu désirais avoir de mes nouvelles et tu es venue en réponse à ma lettre. Que veux-tu de moi ?
— Tu m’as écrit. Toi, que veux-tu ?
— Je crois que tu connais la réponse.
Le silence retomba entre nous. Enfin, Matthew reprit :
— Que s’est-il passé, après que je me suis enfui, l’an dernier ? Tu m’as aidé à m’échapper et je t’en remercie. Dis-moi, qu’as
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