Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
Vom Netzwerk:
gens du coin, me sembla-t-il. Le soi-disant marchand hollandais, Van Weede, était accoudé à une table, un pichet devant lui, et conversait d’un air sérieux avec deux hommes, un grand maigre et un autre plus petit et massif.
    Brockley effleura mon bras et une voix dit tout bas :
    — Dame de la Roche…
    Je me tournai et découvris Charpentier à côté de moi.
    — Je vous dois des excuses, madame, pour ma méprise de l’autre jour. Mais vous étiez trop discrète pour me révéler qui vous étiez, et comment l’aurais-je deviné ? Il vous attend. Si vous voulez bien me suivre… Votre valet…
    — Brockley m’accompagne, dis-je d’un ton ferme.
    Sans répliquer, Charpentier nous conduisit à une petite pièce lambrissée. Là aussi, un feu brûlait dans la cheminée, mais au lieu de tréteaux et de bancs, il y avait une table sur laquelle on avait posé des chandelles, du vin et une assiette de pâtisseries. Des chaises entouraient cette table, et une banquette confortable était placée près de la fenêtre. Un homme y était assis. À notre entrée, il se leva. Grand, brun et large d’épaules, avec des yeux sombres en amande et des sourcils noirs, il avait le menton trop long, un corps dégingandé selon les canons de la beauté, mais pour moi il était beau. Je ne l’avais pas vu depuis des mois, hormis dans mes rêves et par l’imagination.
    Matthew parla le premier, d’un ton efficace et pratique :
    — Brockley, je suis heureux que vous soyez toujours au service de ma femme. Je vous demanderai de monter la garde, devant la porte si vous voulez. Charpentier, apportez-lui un rafraîchissement, ce qu’il désire. Maintenant, qu’on nous laisse, dame de la Roche et moi.
    — Madame ? interrogea Brockley, comptant bien montrer qui lui donnait ses ordres.
    — Faites ce que Matthew vous demande.
    — Puisque vous en êtes sûre, madame…
    — Je ne suis pas venu l’enlever, remarqua Matthew. Elle m’échapperait encore à la première occasion. Vous pouvez me la confier en toute quiétude.
    C’était un de ses plus grands charmes, cet esprit qui jaillissait à des moments inattendus. Il détendit l’atmosphère. Je souris et Brockley aussi, brièvement. Il sortit. Charpentier l’avait déjà précédé. La porte se ferma derrière lui et je me retrouvai seule avec Matthew.
    Le frémissement de rire mourut sur nos lèvres. Nous restions là, face à face, séparés par la largeur de cette petite pièce et par la longueur d’une année. Nos dernières retrouvailles avaient aussi suivi une période de séparation, et elles avaient été orageuses.
    Cette fois-ci était différente.
    Nous étions jeunes encore. Je n’avais pas vingt-huit ans et lui tout juste cinq années de plus que moi. Pourtant, il en paraissait davantage. Le long menton semblait plus prononcé, encadré de rides ; un ou deux fils d’argent marquaient ses tempes. Pour ma part, j’avais l’impression d’avoir vieilli de dix ans durant ces longs mois où je ne l’avais vu. Nous gardions le silence, nous sondant du regard sans nous maudire ni nous enlacer. Enfin, il dit en français :
    — Ainsi, tu es venue.
    — Je… Oui.
    — Pourquoi ?
    Je ne pouvais guère répondre : « Afin de te dire adieu. » J’hésitai, puis bredouillai :
    — Dans ta lettre, tu disais que tu serais là, au cas où je voudrais te revoir.
    — Et tu le voulais, semble-t-il.
    — Oui.
    Ce mélange désabusé d’étonnement et d’accusation me troublait. Car l’accusation était perceptible, dans la voix sinon dans les mots. Je fis un geste en direction de la banquette.
    — Pouvons-nous nous asseoir ?
    — Certainement.
    Mais quand j’eus pris place sur la banquette, je m’aperçus qu’il s’était installé sur une chaise, près de la table. À nouveau, nous nous faisions face, nous observant de loin.
    — Palsambleu ! éclata-t-il. Qu’est-ce qui t’a poussée à venir en France juste à présent ? Quelle folie ! Cette région est un îlot paisible qui peut être englouti à tout instant. Les gens de Saint-Marc et des alentours sont catholiques, mais nous sommes en territoire huguenot. La guerre menace. Les troupes du prince de Condé sont peut-être en train de fondre vers nous au moment où je te parle.
    — Nous ignorions que la situation était grave à ce point. Je voyage avec le père de mon premier mari, Luke Blanchard. Il a une pupille à Douceaix…
    — Qu’est-ce au juste, cet

Weitere Kostenlose Bücher