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Le prix du secret

Le prix du secret

Titel: Le prix du secret Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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vêtements qui attendait, et me demandai quand nous-mêmes aurions la chance de préparer nos toilettes.
    Luke Blanchard avait décrété que des chausses propres et son pourpoint de voyage, convenablement brossé, feraient l’affaire, mais Hélène et moi avions des robes à repasser. Jeanne s’était munie d’un petit fer, cependant la table de la cuisine était la seule de la maison que l’on pût utiliser à cette fin (celle de la salle à manger était immense, mais c’était une belle table, et Klara nous supplia de ne pas en approcher un fer chaud).
    À la fin, nous étions presque folles d’impatience à cause de Jenkinson, qui montrait un soin méticuleux et prenait tout son temps. Je crois que nous serions parties dans nos jupes fripées comme des pommes de l’an passé si je n’avais été saisie d’une inspiration. J’allai chercher une couverture et un drap de mon lit, les posai par terre dans la cuisine, et vu que Jeanne avait peine à s’accroupir, Hélène et moi nous relayâmes à genoux, utilisant un linge humide fourni par Klara, pendant que Jenkinson, fort peu galant pour une fois, accaparait la table.
    Les résultats n’en furent pas moins satisfaisants. Hélène et moi avions prévu une toilette élégante. Nous avions dû abandonner nos vertugadins, dont nous nous passions fort bien. Hélène portait la même tenue en damas blanc et argent que lors de sa présentation à la reine Catherine, avec le même petit bonnet bordé de perles ramené en arrière sur ses bandeaux plats. J’étais en satin moutarde, brodé de fleurs rouges et bleues. Jeanne me brossa les cheveux jusqu’à ce qu’ils soient lustrés comme le plumage d’un merle, les serra dans une résille d’or et ajouta un minuscule bonnet en satin moutarde, qui laissait voir ma riche coiffure. Nous avions toutes deux des boucles d’oreilles et un pendentif assorti (Hélène en perle, moi, en or et turquoise), une petite fraise et des souliers nettoyés avec soin.
    Nous partîmes à pied, telles de vivantes gravures de mode (le pourpoint en velours noir de Blanchard était très bien coupé et, une fois brossé, paraissait élégant), suivis de Jeanne et de tous les hommes qui, à défaut d’être à la mode, avaient au moins l’air propre, soigné et sérieux. Vingt minutes de marche nous conduisirent dans le quartier cossu où Gresham avait sa résidence, une magnifique demeure dont les marches menaient à un perron majestueux, et dont le toit de tuiles n’était qu’étroits pignons et cheminées ornées. Elle était sise au bord de l’Escaut, que remontaient des navires venus des quatre coins du monde, chargés d’étoffes exotiques, de fils de soie, de laine filée prête à être transformée en habits et en tapisseries ; de canne à sucre des Indes occidentales ; de fourrures et de cuirs des pays nordiques ; d’épices et de pierres précieuses, de fer, d’or et d’argent de vingt autres sources. De sa salle à manger, Gresham voyait passer leurs grands mâts.
    J’avais l’impression de remonter le temps. Si souvent, j’avais gravi ces marches, traversé ce perron avec Gerald ! Le carrelage noir et blanc du hall d’entrée, les couleurs éclatantes des tentures étaient tels que dans mes souvenirs. De même que le murmure omniprésent des voix, l’écho de la musique et l’arôme des mets succulents.
    Sir Thomas en personne vint à notre rencontre, et l’on eût dit que je l’avais quitté la veille à peine. Il était devant moi, l’employeur de Gerald, que j’appréciais mais redoutais aussi un peu. Il émanait de lui une autorité écrasante. Il possédait le pouvoir, la richesse et l’influence et si, à notre première rencontre, je ne comprenais pas que de tels symboles vont toujours de pair avec une certaine dureté, je l’avais vite appris.
    Car la besogne qu’il exigeait de Gerald avait rempli Anvers de gens forcés, d’une manière ou d’une autre, à dépouiller la cité. Certains y avaient perdu leur emploi, et la plupart tout respect humain, quand ils n’avaient pas payé plus chèrement, par la liberté ou la vie.
    Fringant en écarlate à crevés jaunes, Gresham était assez grand pour contempler de haut mon beau-père, par-dessus son long nez formant une bosse distinctive au milieu. Pourtant, il nous accueillit avec grâce, une lueur amicale dans ses yeux brun clair au regard matois, un sourire au milieu de sa barbe rousse, soigneusement taillée en pointe.
    — Dame

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