Le quatrième cavalier
raidit, puis accepta la critique.
— Que veulent-ils entendre ? demanda-t-il.
— Ils veulent savoir que vous êtes prêt à mourir pour
eux.
— Mourir ?
— Les hommes suivent, le roi mène, expliqua Pyrlig. Peu
leur chaut saint Augustin, ils tiennent seulement à ce que leurs femmes et
enfants soient à l’abri, leurs terres protégées et leur avenir assuré. Ils
veulent savoir qu’ils vont vaincre et que les Danes vont trépasser. Ils veulent
entendre qu’ils seront riches en butin.
— Cupidité, vengeance et égoïsme ? demanda Alfred.
— Si vous aviez une armée d’anges, seigneur, continua
Pyrlig, un discours exalté sur Dieu et les saints enflammerait sans doute leur
ardeur. Mais vous devez combattre avec de simples mortels, et il n’y a rien que
cupidité, vengeance et égoïsme pour les inspirer.
Alfred fronça les sourcils devant ce conseil, mais ne
discuta point.
— Je puis donc avoir foi en mon neveu ? demanda-t-il.
— Je ne peux l’affirmer, dis-je, mais Guthrum ne le
peut pas davantage. Et puisque Æthelwold vous cherchait, seigneur, soyez-en
heureux.
— Je le serai.
Il prit congé tandis que les feux se mouraient.
— Pourquoi n’avez-vous pas dit la vérité sur Æthelwold ?
demandai-je à Pyrlig.
— J’ai préféré faire confiance à ton jugement.
— Vous êtes un homme de bien.
— Et cela ne laisse jamais de m’étonner.
J’allai retrouver Iseult qui dormait.
Le lendemain, au nord, le Ciel était gonflé de nuages noirs
tandis que le soleil resplendissait au-dessus des collines et baignait notre
armée.
Les trois mille cinq cents hommes longèrent la Willig, puis
le petit affluent que Pyrlig et moi avions exploré la veille. Nous aperçûmes
des éclaireurs danes qui allaient sans nul doute prévenir Guthrum.
Je menai cinquante hommes en haut d’une colline. Nous étions
tous à cheval et armés, prêts à combattre. La dizaine de Danes céda le terrain
avant que nous arrivions. Une nuée de papillons bleus voletaient au-dessus de l’herbe
verte. Je contemplai le Ciel noir et sinistre où planait un épervier. L’oiseau
plongea et je vis soudain, sous ses ailes repliées et ses serres, notre ennemi.
L’armée de Guthrum arrivait au sud.
La peur me saisit alors. Le mur de boucliers est un endroit
terrible. Là, le guerrier se fait la réputation qui lui est si chère. La
réputation est l’honneur, mais pour le gagner un homme doit vaincre le mur de
boucliers où la mort guette. Je l’avais connu à Cynuit et j’avais flairé l’odeur
de la mort, sa puanteur, l’incertitude de la survie, l’horreur des haches, lances
et épées, et je le redoutais. Et cela n’allait plus tarder. Car dans les vertes
plaines au nord des collines, avançait une armée. La grande armée, comme disait
les Danes, les guerriers païens de Guthrum et Svein, la horde sauvage des
soldats sanguinaires venus d’au-delà des mers.
Les troupes de cavaliers se répandaient en une tache sombre
sur les champs, et la horde semblait surgir des ténèbres. Le métal scintillait
dans la lumière en myriades d’éclats qui se multipliaient à mesure qu’ils
apparaissaient, presque tous à cheval.
— Jésus, Marie, Joseph ! s’exclama Leofric.
Steapa se contenta de leur jeter un regard noir.
— Quelqu’un doit prévenir Alfred, dit Osric, bailli de
Wiltunscir, en faisant le signe de croix.
— J’irai, proposa Pyrlig.
— Dites-lui que les païens ont traversé l’Afen et se
dirigent vers Ethandun. Rappelez-lui qu’il y a là-bas un fort construit par les
Anciens. (C’était son comté, sa région, et il en connaissait collines et forêts.
Il semblait inquiet, se demandant sans doute ce qui se passerait si les Danes
occupaient l’ancienne forteresse.) Dieu nous aide ! Ils seront dans les
collines demain. Dites-le-lui.
— Demain matin à Ethandun, résuma Pyrlig avant de
tourner bride et éperonner son cheval.
— Où est le fort ? demandai-je.
— Vois, là-bas.
Par tout le Wessex, se trouvaient de tels forts avec d’énormes
murailles de terre. Celui-ci était bâti au sommet de l’escarpement dominant les
plaines qu’il gardait.
— Certains de ces bâtards y monteront ce soir, dit
Osric, mais la plupart n’y seront que demain. Espérons qu’ils ne s’y
intéressent point.
Nous avions tous pensé qu’Alfred trouverait un flanc de
colline fait pour la défense, où nos moindres effectifs seraient aidés par un
terrain
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