Le quatrième cavalier
t’accueillera à bras ouverts ! dit Pyrlig. Comme
le fils prodigue. On abattra des veaux pour fêter ton retour et on chantera des
psaumes. Répète simplement à Alfred ce que tu nous as dit concernant Guthrum.
Je libérai Æthelwold puis lui rendis ses armes, une longue
épée et une spathe.
— Eh bien, mon prince, le moment est venu de ramper, hein ?
lui dis-je.
Nous trouvâmes Alfred au centre du camp. N’ayant point de
bêtes pour tirer des chariots chargés de tentes et meubles, il était assis sur
une cape étendue entre deux feux. Il semblait abattu. J’appris plus tard qu’il
avait rassemblé l’armée au crépuscule pour prononcer un discours que même
Beocca avait trouvé peu convaincant.
— Plus un sermon qu’une harangue, remarqua-t-il
tristement.
Alfred avait invoqué Dieu, parlé de la juste guerre de saint
Augustin, de Boèce et du roi David. Rien de tout cela n’avait rassuré les
soldats fatigués et affamés. À présent, le roi était assis avec les chefs de l’armée,
mangeant du pain dur et moisi et de l’anguille fumée. Le père Adelbert, prêtre
qui nous avait accompagnés à Cippanhamm, jouait un air mélancolique sur sa
harpe. Un choix malheureux, à mon avis. En me voyant, Alfred lui fit signe de
cesser.
— As-tu des nouvelles ? demanda-t-il.
Pour toute réponse, je m’effaçai et m’inclinai vers Æthelwold.
— Seigneur, je vous amène votre neveu.
Alfred se leva. Il était décontenancé, d’autant plus qu’Æthelwold
n’était point prisonnier puisqu’il portait ses deux épées. Il avait fière
allure, en vérité, et paraissait plus royal qu’Alfred. Il était bien fait et
bel homme, alors qu’Alfred était beaucoup trop maigre et si hagard qu’il
paraissait plus que ses vingt-neuf ans. Des deux, ce fut Æthelwold qui sut
comment se conduire en cet instant. Il déboucla son ceinturon et jeta ses épées
dans un grand fracas aux pieds d’Alfred. Puis il s’agenouilla, joignit les
mains et leva les yeux vers le roi.
— Je t’ai trouvé ! s’exclama-t-il, comme submergé
par la joie.
Médusé, Alfred ne sut que dire. Je m’avançai alors.
— Nous l’avons découvert dans les collines, seigneur. Il
vous cherchait.
— J’ai échappé à Guthrum, mentit Æthelwold. Dieu soit
loué ! J’ai échappé à ce païen. Mes lames sont tiennes, seigneur, dit-il
en poussant ses épées à ses pieds.
Devant cet extravagant déploiement de loyauté, Alfred n’eut
d’autre choix que de relever son neveu et de l’étreindre. Les hommes rassemblés
autour des feux applaudirent. Puis Æthelwold informa utilement Alfred que
Guthrum était en route, accompagné de Svein du Cheval-Blanc. Ils
savaient où était Alfred et menaient leurs cinq mille hommes pour lui livrer
bataille dans les collines de Wiltunscir.
— Quand seront-ils ici ? demanda Alfred.
— Ils devraient atteindre ces collines demain, seigneur.
Æthelwold fut donc assis à côté du roi et on lui donna de l’eau.
Ce n’était guère généreux pour fêter le retour du prince prodigue, et il me
jeta un regard désolé. J’aperçus alors Harald, bailli de Defnascir, parmi les
compagnons du roi.
— Tu es ici ? demandai-je, surpris.
— Avec cinq cents hommes, répondit-il fièrement.
Nous ne comptions point sur les hommes de Defnascir ou Thornsæta,
mais Harald, le bailli, en avait amené quatre cents de sa propre fyrd et
cent de Thornsæta.
— Il en reste assez pour protéger la côte de la flotte
des païens, précisa-t-il, et Odda a tenu à ce que nous aidions à vaincre
Guthrum.
— Comment va Mildrith ?
— Elle prie pour son fils et pour nous tous.
Nous en fîmes autant après le repas. Il y avait toujours des
prières avec Alfred. J’essayai de m’y soustraire, mais Pyrlig me retint.
— Le roi veut te parler, souffla-t-il.
J’attendis donc qu’Alfred vienne me demander si Æthelwold s’était
vraiment enfui.
— C’est ce qu’il m’a déclaré, seigneur. Je ne puis que
vous dire que je l’ai trouvé.
— Il ne s’est pas enfui en nous voyant, et il l’aurait
pu, ajouta Pyrlig.
— Il y a donc quelque chose de bon chez ce garçon, remarqua
le roi.
— Dieu en soit remercié, dit Pyrlig.
— J’ai parlé à l’armée ce soir, lâcha Alfred en
contemplant les braises.
— On me l’a dit, seigneur, répondis-je.
— Que t’a-t-on dit ? demanda-t-il vivement.
— Que vous aviez prêché aux soldats, seigneur.
Il se
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