Le quatrième cavalier
pour lui en savoir gré.
— L’ealdorman a envoyé des hommes, m’avertit-il, pour
prendre cette demeure une fois rendu le jugement.
Il y eut un cri étouffé derrière moi et je vis que Mildrith
était entrée dans la salle. Harald s’inclina.
— Le château nous sera pris ? demanda-t-elle.
— Si la dette n’est point payée, la terre sera donnée à
l’Église, dit Harald.
Il contempla les lambourdes nouvellement taillées comme s’il
se demandait pourquoi j’avais bâti un château sur une terre vouée à Dieu.
Mildrith s’approcha de moi. Les paroles d’Harald l’avaient
ébranlée, mais elle s’efforçait de garder contenance.
— Je suis navrée, lui dit-elle, pour ton épouse.
Une expression peinée passa brièvement sur le visage d’Harald,
qui se signa.
— Elle était malade de long temps, ma dame. Dieu a été
miséricordieux de la prendre, je crois.
J’ignorais qu’il était veuf, et je m’en moquais.
— C’était une bonne femme, dit Mildrith.
— Certes, répondit Harald.
— Et je prie pour elle.
— Je t’en remercie.
— Tout comme je prie pour Odda l’Ancien, ajouta-t-elle.
— Dieu soit loué, il vit, dit Harald en se signant de
nouveau. Mais il est faible et fort souffrant, ajouta-t-il en touchant son
crâne, là où Odda l’Ancien avait été blessé.
— Qui est le juge ? coupai-je brusquement.
— L’évêque.
— Et non l’ealdorman ?
— Il est à Cippanhamm.
Mildrith tint à donner à Harald et ses hommes ale et
nourriture. Elle parla longuement avec lui des voisins et de la famille. Comme
ils étaient tous deux de Defnascir et moi non, je ne connaissais guère ceux
dont ils parlèrent, mais je tendis l’oreille quand Harald annonça qu’Odda le
Jeune épousait une fille de Mercie.
— Elle est en exil ici avec sa famille.
— Bien née ? demanda Mildrith.
— Excessivement.
— Je leur souhaite bien du bonheur, déclara-t-elle avec
la plus grande sincérité.
Elle était heureuse, réconfortée par la compagnie d’Harald, et
lorsqu’il partit elle me gronda d’avoir été si renfrogné.
— Harald est un homme de bien, soutint-elle, un homme
bon. Il t’aurait donné conseil. Il t’aurait aidé !
Je l’ignorais, mais deux jours plus tard j’allai à
Exanceaster avec Iseult et tous mes hommes. Avec Haesten, je possédais
désormais dix-huit hommes armés, munis de cottes de cuir et boucliers, que je
menai par le marché qui se tenait toujours lors des séances de la cour. Il y avait
encore des jongleurs, un mangeur de feu et un montreur d’ours. Des chanteurs, harpistes,
conteurs et mendiants, ainsi que des moutons, chèvres, bœufs, porcs, oies, canards
et poules. Et beaux fromages, poissons fumés, vessies de lard, pots de miel, clayettes
de pommes et paniers de poires. Iseult, qui n’était jamais venue à Exanceaster,
s’extasia devant la taille et l’animation de la ville, ses maisons blotties les
unes contre les autres. Je vis des gens faire le signe de croix en la voyant, car
ils avaient entendu parler de la reine de l’ombre d’Oxton, et la savaient
étrangère et païenne.
Des mendiants étaient attroupés à la porte de l’évêché. Une
femme infirme avec un enfant aveugle, des soldats manchots ou culs-de-jatte, une
bonne vingtaine à qui je jetai monnaie. Puis, comme j’étais à cheval, je me
baissai pour franchir l’arche de la cour de la cathédrale, où une douzaine de
criminels enchaînés attendaient leur sort. Un groupe de jeunes moines, effrayés
par ces prisonniers, tressaient des ruches, et une vingtaine d’hommes en armes
étaient réunis autour de trois feux. Ils lorgnèrent ma suite quand un jeune
prêtre, agitant les bras, accourut en sautant entre les flaques.
— Les armes ne sont point admises en ce lieu ! me
dit-il d’un ton sévère.
— Eux en portent, dis-je en désignant les soldats qui
se réchauffaient.
— Ce sont les hommes du bailli.
— Alors plus vite on aura traité mon affaire, plus vite
mes armes repartiront.
— Votre affaire ? demanda-t-il anxieusement.
— Avec l’évêque.
— L’évêque est en prière, répondit-il d’un ton
réprobateur. Et il ne peut voir chaque homme qui vient ici. Vous pouvez me parler.
— À Cippanhamm, il y a deux ans, dis-je avec un sourire
et en haussant le ton, ton évêque était ami d’Eanflæd. Elle avait des cheveux
roux et faisait son commerce à l’enseigne de l’Épi. Et son commerce
Weitere Kostenlose Bücher