Le quatrième cavalier
provoquer, et je ne m’en pris point à eux. Nous ramions vers Æthelingæg et
derrière nous, sous le Ciel assombri, l’eau recouvrait le marais, des mouettes
blanches piaillaient en survolant les cadavres. Dans le crépuscule, deux cygnes
s’envolèrent vers le nord en claquant des ailes.
La fumée des bateaux incendiés monta jusqu’aux nuages durant
trois jours. Le deuxième, Egwine prit le navire capturé et, avec quarante
hommes, alla massacrer les Danes survivants, sauf six qui furent faits
prisonniers. Cinq d’entre eux furent dépouillés de leurs armures et ligotés à
des pieux à marée basse, afin qu’ils se noient lentement. Egwine perdit trois
hommes dans ce combat, mais il rapporta cottes, boucliers, casques, armes et
bracelets, ainsi qu’un prisonnier qui ne savait rien, hormis que Svein était
parti vers Exanceaster. Il mourut le troisième jour, celui où Alfred remercia
Dieu dans ses prières pour notre victoire. Svein ne pouvait nous attaquer, car
il avait perdu ses vaisseaux, Guthrum n’avait nul moyen de pénétrer dans le
marais, et Alfred était content de moi.
Ce fut Beocca qui me l’annonça. Deux semaines auparavant, songeai-je,
le roi me l’aurait dit lui-même. Il se serait assis sur le rivage pour me
parler, mais à présent une cour s’était formée et le roi était inaccessible
derrière sa haie de prêtres.
— Il a de quoi, répondis-je.
J’étais en train de m’entraîner quand Beocca était arrivé. Nous
le faisions chaque jour avec des bâtons en lieu d’épées, et ceux qui
grommelaient qu’ils n’avaient nul besoin de jouer à se battre, je les défiais
moi-même ; quand ils avaient été terrassés, je leur disais qu’ils devaient
moins se plaindre et jouter davantage.
— Le roi est content de toi, dit Beocca en m’entraînant
le long de la rivière, mais il te trouve bien délicat.
— Moi ! Délicat ?
— De n’être point retourné à Palfleot terminer ta tâche.
— Elle était achevée. Svein ne peut nous attaquer sans
navires.
— Mais tous les Danes n’étaient pas morts.
— Assez se sont noyés. Savez-vous ce qu’ils ont enduré ?
La terreur devant une marée ? Pourquoi tuer des hommes impuissants ?
— Car ce sont païens, car ils sont haïs de Dieu et des
hommes, et ils sont danes.
— Il n’y a pas quelques semaines, vous croyiez qu’ils
deviendraient chrétiens et que toutes nos épées seraient fondues en socs de
charrue pour labourer la terre.
Il ne releva pas.
— Que va faire Svein, désormais ? interrogea-t-il.
— Contourner à pied le marais et rejoindre Guthrum.
— Qui se trouve à Cippanhamm. (Nous en étions presque
certains. D’autres hommes nous rejoignaient et nous donnaient des nouvelles. La
plupart n’étaient que rumeurs, mais beaucoup avaient ouï dire que Guthrum avait
renforcé les murailles de Cippanhamm et hivernait là.) Tu as un oncle en Mercie,
n’est-ce pas ? demanda Beocca, changeant brusquement de sujet.
— Æthelred, frère de ma mère, et ealdorman.
— Tu ne l’aimes point ? s’enquit-il, percevant le
ton froid de ma réponse.
— Je ne le connais guère.
J’avais passé quelques semaines dans sa demeure, juste assez
longtemps pour me quereller avec son fils, lui aussi nommé Æthelred.
— Est-il allié des Danes ?
— Ils supportent qu’ils vivent, et lui les supporte.
— Le roi a envoyé des messagers en Mercie.
— S’il veut qu’ils se soulèvent contre les Danes, il
sera déçu. Ils seront tués.
— Il préférerait qu’ils amènent des hommes dans le Sud
au printemps. (Je me demandai comment quelques guerriers merciens pourraient
nous rejoindre en passant les lignes des Danes, mais je ne dis rien.) Nous
attendons le printemps pour notre salut, mais pour l’heure le roi voudrait que
quelqu’un aille à Cippanhamm.
— Un prêtre, dis-je aigrement, pour parler à Guthrum ?
— Un soldat, pour estimer leur nombre.
— Envoyez-moi, alors.
Beocca hocha la tête.
— C’est si différent de la Northumbrie ! murmura-t-il
d’un ton mélancolique.
— Bebbanburg vous manque ?
— J’aimerais finir mes jours à Lindisfarena, dire ma
dernière prière sur cette île. (Il contempla les collines à l’est.) Le roi
irait volontiers à Cippanhamm lui-même.
— C’est folie, protestai-je.
— Telle est la royauté.
— Comment cela ?
— Le witan choisit le roi, dit-il
sentencieusement, et le roi doit avoir la
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