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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’ordinaire. Il esquissa un salut en me faisant signe de la main.
    — Venez, venez.
    Derechef le même geste.
    — Le parvenu de Gascon a demandé une présence amie et c’est de vous qu’il s’agit. Il veut vous parler.
    Je m’empressai de m’habiller, puis descendis l’escalier derrière Warwick et ses acolytes. Nous n’allâmes pas aux cachots, comme je le pensais, mais au dépositoire du manoir, étroite pièce aux murs chaulés qui jouxtait la chapelle. Le jour commençait à poindre. Bien que l’on fût presque au début de l’été, le vent frais me fit frissonner et je me demandais ce qui allait se passer. Le dépositaire était bien gardé. La porte non verrouillée fut poussée et j’entrai. Gaveston était tapi contre le mur du fond. Les lourdes chaînes, qui lui entravaient les chevilles et les poignets, étaient solidement fixées à des anneaux de fer. On lui avait apporté un crucifix, un pichet de vin, un gobelet d’étain, du pain, du fromage et des fruits secs. La cellule propre, austère, plutôt froide d’aspect, sentait les onguents utilisés pour l’embaumement. Warwick me poussa en avant avec ménagement. Gaveston leva les yeux. À la lumière du lumignon malodorant posé sur une table proche, l’ancien favori royal était méconnaissable. La brillante chevelure noire avait été rasée, la figure naguère mate et lisse était cireuse et amaigrie, les joues creuses. Si les contusions rouge foncé s’effaçaient, les lèvres étaient encore enflées et l’œil droit à demi fermé. Warwick prit une sellette qu’il plaça en face de Gaveston.
    — Voici votre amie, parvenu de Gascon, déclara-t-il.
    Ce ne fut qu’alors que sa voix se fit moins dure :
    — Je vous en conjure, dit-il lentement d’un ton uni, en articulant chaque mot : pensez à votre âme ! C’est aujourd’hui votre dernier jour sur terre.
    Je m’assis sur le tabouret alors que Gaveston baissait la tête, les épaules secouées de tremblements.
    — Pas de merci ! marmotta Warwick. Non ! Sa Grâce le roi ne peut vous sauver. Un prêtre viendra vous confesser. Je vous en prie, pensez à votre âme. Désirez-vous quelque chose à boire ou à manger, dame Mathilde ?
    Je secouai la tête.
    — Qu’il en soit ainsi, murmura Warwick qui s’éloigna à grandes enjambées en laissant deux de ses hommes, en cottes de mailles et équipés pour la guerre, monter la garde devant l’huis fermé et verrouillé.
    J’entendis, dehors, les cris de Warwick répétant que personne ne devait entrer ou sortir sans sa permission expresse. Je regardai Gaveston avec pitié. Il pleura encore quelques instants, puis, dans un cliquetis de chaînes, se redressa pour s’adosser au mur. Son visage autrefois beau était livide, mais il s’efforça de sourire.
    — Je vous ai fait appeler, Mathilde.
    Il tendit les mains.
    — Prenez-moi la main. Je ne veux point mourir seul.
    Je rapprochai la sellette et serrai sa main – froide comme s’il était déjà mort – entre les miennes. J’observai ce petit réduit avec ses tables tachées et son étrange odeur de moisi. Quelque part dans l’ombre un rat couina. En haut, dans un coin, une mouche prise dans une toile d’araignée se débattait en vrombissant. Gaveston suivit mon regard.
    — Je suis vraiment pris au piège, Mathilde. Les accusations contre moi sont lourdes.
    — C’est exact, monseigneur. Que Dieu vous sauve ! N’attendez pas de pardon. Que puis-je faire pour vous ?
    Serrant toujours ma main tel un enfant apeuré, il prit une profonde inspiration. En tentant de contrôler sa voix, il me chargea de messages pour ses amis à la Cour, de faire part de son amour à son épouse Margaret de Clare ainsi qu’à leur petite fille, et de sa profonde contrition pour toutes les offenses dont il s’était rendu coupable à leur égard.
    — Dites à mon frère le roi, murmura-t-il, que, dans la mort comme dans la vie, je suis, j’étais et serai toujours son unique camarade.
    Il s’arrêta pour pleurer sans bruit, puis s’essuya les yeux du dos de la main et mentionna d’autres personnes. La voix finit par lui manquer. Il me demanda un chapelet. Je lui donnai le mien, qu’il se passa avec maladresse autour du cou.
    — Et les Beaumont ? m’enquis-je. Vous n’en avez point parlé !
    Gaveston sourit, me remettant en mémoire la splendeur du beau courtisan qui m’avait d’abord éblouie quelque quatre ans auparavant.
    — Transmettez à ces doux

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