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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Champ des âmes, le petit cimetière déjà comble de Tynemouth. La nouvelle se répandit vite dans le château, ajoutant à notre accablement et à notre sentiment d’isolement, sinistre présage du chapitre suivant dans le tourbillon opaque et sanglant de meurtres et de destructions qui engloutissait nos vies. Que pouvions-nous faire ? J’étais confrontée à un mystère inextricable. Comment ces trois soldats accomplis, de faction lors des heures sombres précédant l’aube, avaient-ils pu être si sauvagement occis ?
    Je revins sur mes pas dans la tour Duckett, mais en vain. Rosselin vint me demander mon avis. Son courage, et il en allait de même de Middleton, avait été fortement entamé. Il m’apporta aussi une bourse en toile cirée découverte dans l’escarcelle de Kennington, bien attachée à sa ceinture. Elle contenait le même message, d’une écriture nette et précise : Aquilae Petri, ne volez pas si haut, superbes et fanfarons, car acheté et vendu est votre maître Gaveston. L’avertissement était brutal, la conclusion évidente. Kennington et ses amis avaient été assassinés, mais par qui et comment ? Je ne pouvais proposer ni réponse ni solution. Dans tout ce chaos une petite difficulté ne cessait de me tourmenter. Ce fut d’abord un doute, une question, mais plus j’y pensais, plus cela prenait de l’importance. Il s’agissait de la cogghe de guerre La Vouivre, tout équipée et à l’ancre dans cette petite anse. Qui l’avait mandée à Tynemouth ? Le roi, Isabelle, Gaveston ? Le gouverneur ne me fut d’aucun secours. Il se tapota le nez et chuchota que le capitaine avait reçu l’ordre secret d’attendre jusqu’à ce que le péril soit passé et de ne se mettre à la voile qu’alors. J’étais sur le point de le remercier et de m’en aller quand il me tira par la manche pour me conduire dans un recoin sombre.
    — Madame, je dois vous dire ceci. Nous savons que des maraudeurs se tapissent dans la lande. Nous avons aussi découvert, grâce au capitaine de La Vouivre, que des pirates flamands écument la côte, au nord. La cogghe a pris la mer seulement pour vérifier que tout allait bien à bord, qu’il n’y avait pas de voie d’eau, que tout était en ordre de marche. Ils ont croisé une embarcation de pêcheurs locaux, dont l’équipage leur a narré une étrange histoire. Non seulement ils ont vu rôder les Flamands mais ils ont aussi aperçu une flotte de cogghes de guerre françaises, armées et battant pavillon royal. Qu’est-ce que cela signifie ? De quoi Philippe de France viendrait-il se mêler dans ces eaux froides et brumeuses ?
    Là encore je ne pus répondre. Je me rendis auprès de ma maîtresse. Elle avait rarement quitté sa chambre, s’intéressant à ses livres, dormant ou restant parfois juste pelotonnée dans une mante devant un feu ronflant à contempler les flammes. Je m’agenouillai devant elle et posai mes mains dans son giron.
    — Mathilde, ma petite*, qu’est-ce qui ne va pas ? s’enquit-elle avec un sourire qui lui faisait plisser les yeux.
    — Je vous pose la même question, Votre Grâce. Vous vous réfugiez céans comme un anachorète dans sa cellule. Vous n’en sortez presque jamais, sauf pour prendre un peu l’air le matin et le soir. Nous parlions, autrefois ; à présent, vous vous taisez.
    Sa main se posa sur ma joue.
    — Mathilde, si je vous disais… Non, non, je ne le puis.
    — Votre Grâce, plaidai-je… La Vouivre : qui a ordonné qu’elle vienne ici ?
    Le visage de ma maîtresse ne fut plus qu’un large sourire.
    — Eh bien, Mathilde, c’est moi.
    — Mais qu’arrivera-t-il, à votre avis ?
    — Je l’ignore, Mathilde, mais j’ai réfléchi à toutes les possibilités. Si je ne peux fuir par les terres, alors il est normal que je parte par mer. Je connais bien le capitaine de La Vouivre. Il est loyal. Il attendra que je décide, mais je ne puis ni ne veux en dire davantage.
    — Et les navires de votre père ?
    Je compris à l’air d’Isabelle que le gouverneur lui avait déjà annoncé la nouvelle.
    — Ce que mon père fait, ce qu’il ourdit, Mathilde, le regarde et regarde ceux qui s’abritent dans son ombre.
    Elle se pencha en avant.
    — Savez-vous comment Kennington est mort ?
    — Madame, je vous connais trop bien pour me laisser ainsi distraire.
    Elle rejeta la tête en arrière et se mit à rire.
    — Dans ce cas, Mathilde, je vous demande simplement de vide atque tace

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