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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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me fixa d’un œil courroucé. Il me laissa alors entrer mais ne put répondre à mes questions. C’était un homme brisé, terré dans une pièce sordide.
    Quelques jours après la disparition de Middleton, vers matines, le son grave du tocsin réveilla toute la place forte. Je me levai pour regarder par la fenêtre. Un fanal avait été allumé sur les remparts. On donna l’alarme. Je m’habillai et me précipitai dehors, mante sur les épaules, pieds nus dans mes bottes. La cloche, sur son estrade en hauteur quelque part dans la cour intérieure, s’était tue, mais des hommes s’empressaient encore de s’équiper et de boucler leur ceinturon. Des serviteurs, munis de torches, couraient près d’eux ; tous grimpaient les marches, les marches dangereuses des murailles. Le claquement de la herse, celui des treuils des catapultes que l’on préparait, fendaient l’air froid de la nuit, noyant les vociférations, les hurlements, les jappements rauques des chiens, le hennissement effrayé des chevaux dans les écuries. Demontaigu et moi nous joignîmes aux autres sur les fortifications battues par le vent. Les gardes désignaient quelque chose à l’extérieur. Les archers d’Ap Ythel bandaient leur arc. Les capitaines criaient leurs ordres sur le parapet. Le vent nocturne apportait l’odeur métallique de l’eau et de l’huile que l’on faisait bouillir sur des feux préparés à la hâte. Ap Ythel, jurant à voix haute, commanda d’une voix de stentor à ceux qui étaient sur les escaliers de redescendre, d’éteindre les feux et d’attendre ses commandements. Le gouverneur Warde arriva à toutes jambes. Il s’entretint à voix basse avec Ap Ythel. Penchés par-dessus le rempart, ils scrutèrent les ténèbres pour tenter de déterminer quel était le danger.
    — Voyez-vous quelque chose ? lança Ap Ythel. Quoi que ce soit ?
    Nous regardâmes vers le bourg obscur qu’éclairaient des points lumineux. Le gouverneur sacra entre ses dents et jeta un ordre à ses troupes en bas. On ouvrit la porte d’une poterne dans un cliquetis de chaînes et un grincement de verrous.
    — On dépêche des éclaireurs, me glissa Demontaigu.
    Les sentinelles en rang le long des remparts se détendirent. Dunheved m’appela de la cour mais je ne pus saisir ses mots. Gaveston, emmitouflé dans une chape, un gobelet de vin à la main, gravit avec peine l’escalier avant de s’informer à voix haute de ce qui se passait. Le gouverneur lui répondit d’un ton exaspéré. Gaveston leva son gobelet en l’honneur des ténèbres, puis redescendit en titubant. Je le suivis. Dunheved sortit de l’ombre et me prit le bras.
    — Qu’arrive-t-il, Mathilde ? Des fanaux qui brûlent, le tocsin… ? J’ai essayé de me renseigner…
    — Vous en savez autant que nous, mon frère.
    J’embrassai la cour du regard ; le vent fouettait les torches dont les flammes dansaient avec fureur.
    Escortée par le dominicain, je priai un garde de me conduire dans la cour intérieure pour me montrer le haut échafaudage de bois où étaient appendues les grosses cloches du tocsin. Il fit la grimace mais obtempéra. Une fois dans la cour, je montai les marches de l’estrade. La corde des cloches était encore détachée. Levant les yeux, je discernai la panse béante des bourdons luisant à la lueur de la torche de mon guide. Je n’avais rien vu depuis les murailles du château, rien entendu. J’estimai que l’alerte n’était que la mauvaise plaisanterie d’un écervelé, ce que confirmèrent les éclaireurs à leur retour. Nulle force, bien disposée à notre égard ou hostile, n’avait pénétré dans le bourg.
    Le gouverneur convoqua sur-le-champ tout le monde dans la grande cour. Il nous emmena dans le réfectoire où des serviteurs à l’air las nous servirent du lait frais et des tranches de pain rassis. Nous nous assîmes autour des tables pendant que Warde nous harcelait de questions auxquelles personne ne pouvait répondre. Le tocsin, les fanaux allumés, les ragots courant dans la forteresse qui affirmaient que le roi approchait – le roi ou les barons ? –, rien ne put être expliqué. Warde, rouge de colère, sortit d’un pas raide. L’assemblée se dispersa et chacun regagna sa chambre.
    La vraie raison de l’alarme fut révélée dans toute son horreur le lendemain. Un serviteur hors d’haleine déboucha dans le courtil de la chapelle pour nous informer, Demontaigu, Dunheved et moi, qu’on avait

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