Le retour de la mariée
n’apparaissent au menu qu’en certaines saisons. Quand il y figure, quel succès ! Chacune en veut sa part !
Enfin une bonne nouvelle, songea Caroline, pendant que son invitée s’égayait sans discrétion.
— Vous voulez dire qu’il est instable, volage, déloyal ?
— Pas du tout ! Il est très fidèle en amitié, et tient ses promesses en toute occasion.
Comme elle baissait les yeux sur son assiette, elle ne vit pas la grimace par laquelle Caroline ne pouvait s’empêcher de manifester ses doutes.
— Je suppose, dit Mme Peters en jetant un regard d’adieuaux friandises qu’elle n’avait plus la force de consommer, que vous avez l’intention de rencontrer Logan Grey en personne, avant de rédiger votre article.
— Bien sûr ! Je compte le voir ce soir même. On m’a dit qu’il réside au Blackstone, et qu’il prend ses repas au restaurant de l’hôtel. Je compte dîner en sa compagnie, s’il le veut bien.
Son invitée la regarda un moment en silence. Elle réfléchissait.
— Si vous voulez dîner avec lui, il vous faudra vous rendre à Willow Hill, dit-elle enfin. On y donne une petite réception ce soir, pour célébrer les derniers exploits de Logan à la banque, ce matin.
Caroline pâlit. Elle ne s’attendait pas à ce contretemps.
— Ce sera un dîner en petit comité, précisa l’échotière. Outre les filles MacBride et leurs maris, on y verra les deux meilleurs amis du héros, Holt Driscoll et Cade Hollister.
Sous le coup de la surprise, Caroline faillit s’exclamer. Elle se retint à temps.
— Je suis bien informée, n’est-ce pas ? dit Mme Peters, qui ne la quittait pas des yeux. Je vais vous dire comment. Kate Kimball est passée me voir, au journal. Elle souhaitait joindre la diablesse qui s’est manifestée ce matin à la banque, pour l’inviter à la réunion.
Tout en parlant, elle consultait sa montre, qu’elle portait en sautoir.
— Comme le temps passe ! s’exclama-t-elle. On va encore m’accuser d’être en retard. Mille mercis, madame Whitaker. Je viens de passer un moment exceptionnel, le mot n’est pas trop fort.
Elle se leva et reprit sa canne et son sac. Caroline allait la remercier à son tour, mais la bavarde n’avait pas fini.
— Vous m’enverrez un exemplaire de votre article, n’est-ce pas ? Je ne doute pas qu’il soit bien documenté, après la soirée que vous allez passer à Willow Hill. Une invitation des MacBride, cela ne se refuse pas !
Caroline la regarda partir sans trouver la réplique à cetrait. Elle se rassit afin de pouvoir prendre une décision. Il lui fallait mettre de l’ordre dans ses idées.
La serveuse lui apporta la note en baissant les yeux pour dissimuler sans doute une lueur d’ironie. Préférant l’ignorer, Caroline commanda un whisky.
***
Rentrée à l’hôtel pour se changer, Caroline en profita pour analyser les nouvelles donnes de la partie qui s’engageait. Elle avait prévu d’affronter Logan en tête à tête. Au lieu de ça, l’explication aurait lieu en présence de témoins. Un avantage finalement, car le traître ne pourrait se permettre de la repousser immédiatement. Mais ces témoins lui étaient tout acquis, et ne manquaient certainement pas de finesse. Mme Peters avait vu clair dans son jeu. Serait-elle assez forte pour convaincre une dizaine d’observateurs a priori sceptiques ?
Elle appela le souvenir de Ben à sa mémoire. Cela l’aidait toujours à retrouver son calme. Elle adorait son père adoptif. Et si elle était là, c’était pour lui. Il avait besoin d’elle. Cela suffisait.
Jamais elle n’oublierait leur première rencontre. A l’époque, elle n’avait que soixante-quinze cents dans sa poche, aucun logis, et le ventre vide. Si la personne qui cherchait une garde-malade refusait sa candidature, elle n’aurait plus qu’à aller se prostituer au premier étage du saloon de la ville.
Quand elle s’était présentée à Ben, il l’avait d’abord toisée de haut en bas.
— Je ne pense pas que vous fassiez l’affaire, avait-il dit. Suzanne est une personne bien en chair, et le moindre courant d’air pourrait vous emporter. Je dois voir une autre…
— Je suis plus forte que je n’en ai l’air, monsieur Whitaker, et personne au Texas ne pourrait mieux que moi s’occuper de votre femme. Je vous en donne ma parole !
Il s’était passé la main sur le visage, en fronçant ses sourcils poivre et sel.
— Vous n’avez plus rien
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