Le retour de la mariée
avait ressentie lorsque cette femme s’était jetée dans ses bras était d’ordre purement sensuel. Ses beaux yeux violets, sa chevelure d’or et de feu, sa taille naturellement mince, puisqu’il avait pu se rendre compte qu’elle ne portait pas de corset, faisaient en effet d’elle une créature extrêmement séduisante, de celles que l’on n’oublie pas.
Caroline ? Qui pouvait-elle être ?
Comme beaucoup d’hommes d’action, Logan avait tendance à chasser de son esprit les souvenirs fâcheux. Ces yeux, ils n’auraient pu les oublier aussi facilement pourtant. A quelle mésaventure pouvaient-ils bien être associés ? Une idée lui vint soudain à l’esprit.
— En Californie, peut-être ? Pour passer inaperçu dans l’affaire Watson, j’avais embauché une…
Il ne trouvait pas de mot convenable. Celle qui se nommait Caroline ferma un instant les yeux, pour se contenir, et rougit aussitôt, non par pudeur, mais de rage, cela se voyait.
— Non, gronda-t-elle.
— A Nuevo Laredo, alors ?
De guerre lasse, elle lui adressa un sourire amer et résigné.
— Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lorsque nous étions enfants, dit-elle. En été, je rendais visite à ma grand-mère, dans l’Est. Elle s’appelait Nellie Jennings et s’occupait d’orphelins.
— Bien sûr ! s’exclama Holt Driscoll en faisant claquer ses doigts.
Cade Hollister, ravi de la découverte, opina lui aussi avec empressement. Logan hésitait encore.
— La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, poursuivit Caroline, c’était il y a quinze ans, lors de notre nuit de noces à l’hôtel Magnolia, à Georgetown.
Une nuit de noces ? Les yeux écarquillés, Logan contempla de nouveau des pieds à la tête l’inconnue de la banque. Des détails lui revenaient à la mémoire. Jack Kilpatrick, le mauvais perdant. Cette Caroline était la fille de Jack Kilpatrick. Quel âge avait-elle, à cette époque-là ? Seize ans ? Il en avait dix-neuf, alors.
Il n’aimait guère se souvenir de ce pan de passé. Ce qui expliquait un peu les choses. C’était avant le Mexique, avant le massacre dans l’Oklahoma. Lorsqu’il pouvait encore se regarder dans un miroir sans se mépriser, ou se haïr.
Pourtant, il avait quelques vagues souvenirs d’elle. De sa robe, du même jaune que celle qu’elle portait ce soir. Dans le temps, elle avait les cheveux d’un blond très pâle, sans doute décolorés, une allure et une corpulence de fillette, l’air timide, et une poitrine presque plate. Quelle métamorphose !
— Je vous reconnais à présent, affirma-t-il avec assurance. Vous êtes Caroline Kilpatrick.
— Non, dit-elle. Depuis quinze ans, je suis Caroline Grey.
L’annonce ne manqua pas de faire sensation. On se récriait en silence, des regards interrogateurs se croisaient de toutes parts. Logan, le souffle coupé, dut se rasseoir.
— Pendant quinze ans, vous avez prétendu être ma femme ?
Elle s’enflamma.
— Je suis votre femme !
Elle serra les poings. Allait-elle le frapper ?
— La signature, à l’église, vous l’avez oubliée, elle aussi ? lança-t-elle.
— Il y a si longtemps, plaida-t-il maladroitement.
— Bien longtemps, murmura-t-elle. Et puis, reprit-elle d’une voix furieuse et qui portait loin, les voyous oublient si facilement les filles séduites, qui se réveillent seules au matin de leur nuit de noces !
— Lucky ! s’écria Kate Kimball, comment avez-vous pu commettre une pareille horreur ?
Ses sœurs s’indignaient, elles aussi. Logan, qui se remémorait à présent le détail de l’affaire, leva sa main ouverte pour imposer le silence et mettre les choses au point.
— Une minute ! protesta-t-il. Ce n’était pas un vrai mariage !
Les femmes avaient les bras croisés, prêtes à le condamner. Les hommes se crispaient, à l’exception de Dair MacRae, qui retenait visiblement, le traître, une forte envie de rire.
— Nous avons dîné. Je suggère que nous passions dans le salon, dit-il. Les sièges y sont plus confortables et la cave à liqueurs plus aisément accessible. Logan aimerait sans doute régler cette affaire… en tête à tête ?
— Non, je tiens à m’expliquer publiquement, dit l’accusé, qui reprenait son calme. Ce mariage n’était qu’un simulacre, un stratagème imaginé par son père. J’ai joué le rôle de l’époux, voilà tout.
— C’est incroyable ! s’écria Caroline. Le
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