Le retour de la mariée
menteur ! Il ne se souvenait plus de rien, tout à l’heure !
— Eh bien je me souviens de tout, maintenant ! dit Logan.
Il revoyait encore le Texan, impressionnant de taille etde puissance, qui était entré dans le bar comme en terrain conquis. Logan était en train de faire une réussite, tout seul, pour ne pas risquer de perdre en jouant avec d’autres les deux dollars qu’il avait en poche.
— C’est toi, le gars qui cherchait du boulot chez moi hier et qui s’est fait jeter ? lui avait-il demandé sans préambule.
— C’est moi, patron.
— Le gars qui vient de l’Est et qui connaît des gens de ma famille ? Les Jennings, ils s’appellent. Tu connais ma fille ?
— J’ai quitté l’orphelinat depuis quatre ans, patron. La petite-fille de Nana Nellie venait la voir tous les étés.
— Nana Nellie, avait répété la brute par dérision. Laisse tomber les cartes, fiston. Du boulot, tu vas peut-être en avoir, après tout. Viens prendre un verre.
— Tiens, prends un verre, on dirait que tu en as besoin, dit Luke Prescott, qui lui mettait un whisky sous le nez.
Logan secoua la tête et accepta le whisky que le shérif lui offrait d’autant plus généreusement qu’il sortait directement de la réserve de son beau-père.
Par bonheur, Trace MacBride et sa femme, Jenny, n’assistaient pas à la soirée. Devenu avec l’âge très chatouilleux sur le respect dû aux femmes, Trace n’aurait pas apprécié cette scène.
Quelques détails du prétendu mariage lui échappaient encore. Mais deux épisodes l’avaient profondément marqué : celui de son recrutement, qu’il venait de revivre, et celui de la nuit passée à l’hôtel.
Toute la compagnie passa dans le salon. Emma MacRae installa Caroline à la place d’honneur, dans le fauteuil de Jenny, et lui servit de l’eau, qu’elle préférait, disait-elle, à toute autre boisson. Les autres femmes prirent place à ses côtés, comme pour assurer sa défense tandis que les maris s’installaient diplomatiquement en terrain neutre, à l’autre bout de la pièce. Cade et Holt restaient à proximité de la cave à liqueurs.
Logan ne s’avança que d’un pas dans la pièce et prit unelampée de whisky. Comme il devait surtout convaincre ses amies, c’est à elles qu’il s’adressa.
— J’avais oublié cette histoire pour la bonne raison que ce mariage n’était qu’une comédie imaginée par Kilpatrick. Il fallait que sa fille soit mariée pour avoir droit à je ne sais quel héritage…
— D’accord pour l’héritage, dit Caroline en se dressant, mais notre mariage n’a pas été une comédie ! Il a été bel et bien célébré !
Logan attendit qu’elle se soit rassise et que les murmures de ses voisines se soient tus pour poursuivre ses explications.
— Kilpatrick faisait peur à tout le monde, expliqua-t-il. Il était propriétaire d’un ranch. Il me restait deux dollars en poche. Quand il m’en a offert vingt pour faire semblant de me marier avec sa fille, je n’ai pas hésité une seconde. J’aimais bien faire des farces, et à cette époque-là je n’étais pas à cheval sur les principes.
— Ce mariage a été célébré au temple baptiste de Georgetown, martela Caroline, les deux mains crispées l’une sur l’autre.
— Par un faux pasteur ! Pour présenter un faux certificat aux hommes de loi et toucher l’héritage ! Kilpatrick devait d’ailleurs le déchirer après l’avoir montré, ce papier…
La bouche ouverte, il se tut. Il fallait qu’il ait été bien sot, pour faire confiance à un tricheur professionnel.
Caroline triomphait.
— Le révérend Harwell est toujours pasteur à Georgetown, il y prêche tous les dimanches, dit-elle en s’adressant plus particulièrement à ses voisines. Le mariage est inscrit au registre officiel du comté.
— C’est bien simple, il n’y a qu’à le consulter, fit observer Prescott.
Logan commençait à douter de lui-même. Non, ce n’était pas possible. Sa gorge ne s’était pas serrée, sa respiration semblait normale. Son fameux sens de la prémonition ne s’était pas manifesté. Cette Caroline mentait.
— Vous saviez qu’il s’agissait d’un simulacre, vous ne pouviez pas l’ignorer ! lança-t-il en désespoir de cause.
Caroline haussa les épaules en levant les yeux au ciel.
— Puisqu’il a la mémoire courte, dit-elle en signifiant d’un regard circulaire qu’elle s’adressait à l’assemblée
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