Le retour de la mariée
équipe, comme ils disaient, avec Shotgun Reese. Quand Ben et Suzanne se sont mariés, il a été assez beau joueur pour leur pardonner, mais il avait toujours de la tendresse pour ses premières amours. Il ne s’en cachait pas. Fanny, qui a succédé à Suzanne, le savait bien.
Jamais Logan n’avait songé à la vie sentimentale des hors-la-loi. Il la découvrait avec stupeur.
— Tout le monde croyait que Suzanne était tombée dans l’escalier par accident, Ben le premier, reprit Caroline. Aussi les soupçons de Fanny l’ont-ils rendu comme fou. Il s’est dit qu’un ancien ami de Shotgun avait pu connaître ses intentions, et venir voler le plan ou la carte. Il a tout de suite ressorti ses armes pour aller tuer l’assassin, comme s’il était capable de le retrouver, à son âge.
Logan tira la chaise réservée aux clients pour s’asseoir et pianoter pensivement sur la table. L’histoire était trop compliquée, et trop belle. Il devait y avoir autre chose.
— Est-ce que Ben était au courant ? Cette carte, il l’a vue ?
— Non. Il savait que Suzanne était en correspondance avec Reese, puisque dans chacune de ses lettres Shotgun mettait un mot gentil pour lui. Pour l’empêcher de faire une folie, je lui ai d’abord conseillé de chercher dans les papiers qu’elle avait laissés. Je m’en suis chargée, parce qu’il n’en avait pas le courage. J’ai trouvé avec la liasse de lettres quelquespépites d’or, mais rien d’autre. Pas de carte, et pas de lettre où il en aurait été question.
— Cette carte n’a peut-être jamais existé.
— C’est ce que j’ai cru, jusqu’au moment où j’ai trouvé sous du linge un très beau collier d’or. Ben l’a reconnu. Ce collier, Shotgun l’avait offert à Suzanne, dans le temps. Elle le lui a renvoyé quand elle a décidé d’épouser Ben.
— Tu veux me faire croire que Reese a donné sa bénédiction à ce mariage ?
— Ben et lui étaient très liés. Quand Suzanne a décidé de changer d’existence, Reese, lui, a refusé de se ranger. Alors ils se sont séparés. En lui proposant le mariage et une vie tranquille à Artesia, Ben a fait le bonheur de Suzanne, et ils sont tous restés bons amis.
Pour ne pas interrompre son récit, Logan évita de faire part à Caroline de son étonnement.
— Ben a pensé que Shotgun avait tenu à lui laisser le collier en souvenir, en l’accompagnant de la carte. Comme le collier était là et pas la carte, il s’est dit qu’il y avait quelque chose de vrai dans les soupçons de Fanny Plunkett.
— Alors Ben est parti, dit Logan. Pour chercher le trésor, ou pour venger sa femme ?
— Pour la venger ! Il est parti à la recherche de l’assassin, alors que depuis vingt ans il est propriétaire du Standard, à Artesia, et qu’il mène une vie de notable ! Quelqu’un va mourir, mais ce ne sera certainement pas l’assassin ! Ce sera Ben !
Caroline se mit à pleurer. Avant de poursuivre, elle dut reprendre sa respiration.
— Et sais-tu ce que je crains le plus ? C’est qu’il le fasse exprès. Il est capable d’être entré dans ce Canyon avec ses armes bien en vue, dans l’espoir qu’un de ces bandits lui tire dessus et le tue. Il n’était pas dans son état normal quand il est parti. Depuis la mort de Suzanne, il n’était plus le même. Il se sentait perdu. Il ne mangeait plus, ne dormait plus. Il ne parlait plus à personne, même pas à Will.
— Si je comprends bien, dit Logan, tu as concocté un traquenard pour m’obliger à partir à la recherche de ton bienfaiteur.
— J’ai tout essayé, sans trouver un mercenaire assez courageux pour y aller. J’étais au désespoir, Logan, je ne savais que faire. Je dois tant à Ben, je l’aime tant que j’aurais voulu l’avoir pour père, malgré ses erreurs passées. Il a pris soin de Will. Je lui dois tout. J’aurais dû m’y prendre autrement, mais dis-moi, est-ce que tu aurais accepté de m’aider si je n’avais pas menti ?
— Tu ne m’as pas laissé le choix.
— Tu ne réponds pas à ma question.
— Parce que je n’ai pas de réponse à te faire ! lança-t-il en criant presque.
Après ce long récit, sa colère renaissait, plus forte encore. Il s’était laissé dominer par une femme. Elle était même parvenue à le faire rêver, à lui ouvrir des horizons nouveaux. Des mensonges…
Il avait horreur du mensonge, sous toutes ses formes, mais celui-là… ce qu’elle avait
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