Le retour de la mariée
protesta-t-elle. Dis plutôt que tu n’en veux pas. Tu préfères aller à l’aventure, courir le monde, et courir les filles !
— Non, ce n’est pas vrai ! s’indigna-t-il en faisant un grand geste, ses yeux verts brillants de colère. C’est absolument faux ! Qu’importe ce que je désire, car chaque fois que je cours ma chance et que j’essaie de la saisir, le malheur s’abat sur ceux que j’aime !
Pour qu’il montre pareille véhémence, il fallait bien qu’il ait ses raisons. Elle s’alarma aussitôt.
— Que veux-tu dire par là, Logan ? Que Will et moi nous ne sommes pas ta seule famille ? Que tu as une autre femme et d’autres enfants, cachés quelque part ?
— Je ne les ai plus, répliqua-t-il d’une voix sourde.
En voyant les traits de son visage se figer, Caroline comprit qu’il regrettait d’avoir parlé. Sous le coup de la colère, il en avait trop dit.
Caroline souffrait pour lui, souffrait pour elle-même. En le questionnant avec insistance, elle était parvenue à lui arracher un secret, sans le vouloir. Il avait de la peine, à présent. Elle voyait à son expression, à son attitude, qu’il était malheureux.
— Je te demande pardon, murmura-t-elle. Je n’aurais jamais dû… Je t’ai fait du mal.
Il prit une profonde inspiration, et soupira longuement.
— C’est une cruelle histoire, Caroline. Elle te ferait peur. Il vaut mieux que je la garde pour moi.
— Je crois au contraire que tu devrais me la confier, Logan, pour t’en libérer. Pour me permettre aussi de tecomprendre, de savoir pourquoi tu réagis si étrangement quand il est question de nous, de notre famille.
— Nous ne formons pas une famille ! s’exclama-t-il avec violence. Je ne peux pas vivre en famille, je n’en ai pas le droit !
Caroline s’appuya à un arbre, se tint les mains et soutint le regard désespéré que lui jetait Logan.
— Alors dis-moi pourquoi, fit-elle d’une voix blanche. Que cela te plaise ou non, tu m’as épousée, et nous avons un enfant. Tu as le devoir de me dire pourquoi nous ne pouvons pas vivre ensemble, c’est la moindre des choses.
— Bon Dieu, Caroline, murmura-t-il, presque menaçant.
Comme elle restait ferme et ne baissait pas les yeux, il serra les lèvres, et son regard perdit de son éclat. S’avouant vaincu, il poussa un soupir de résignation.
— Tu sais que j’ai été confié à l’orphelinat que dirigeaient tes grands-parents, dès l’âge de cinq ans. Toute ma famille venait d’être emportée par une inondation.
— Je le savais. C’est depuis ce temps-là que tu portes le nom de Lucky, parce que tu avais la chance d’être le seul survivant.
— C’est ta grand-mère qui me l’a donné. Nana Nellie et moi, nous ne nous entendions pas toujours quand il était question de chance. J’ai vécu chez elle pendant une dizaine d’années et puis je suis parti explorer le vaste monde, comme on dit. C’est à cette époque-là que ton père m’a recruté dans un saloon, à Georgetown, pour arranger ses affaires. Tu connais la suite, ce n’est pas brillant.
— J’ai Will, répondit-elle calmement. Il est le bonheur de ma vie. Jamais je n’ai eu autant de chance que le jour de notre mariage.
— Tu ne l’as pas toujours pensé, j’imagine. J’ai eu tellement honte quand tu m’as appris quelle vie tu avais menée avant que des hors-la-loi plus ou moins repentis te recueillent… Mais tu n’es pas la seule que j’aie rendue malheureuse…
Pas la seule. Caroline ferma les yeux. Elle savait à quois’attendre. Logan allait lui faire le récit de ses amours avec une autre femme.
— C’était un peu plus d’un an après notre rencontre à Georgetown. Rappelle-toi bien que j’avais fait confiance à ton père, et que je me croyais toujours célibataire.
Caroline éprouva la désagréable impression de revivre l’épisode de leur première rencontre chez les MacBride. Les choses étant claires à présent, fallait-il vraiment revenir sur des explications échangées deux semaines auparavant, autant dire un siècle ?
— Sans vouloir te fâcher, tu peux passer là-dessus, suggéra-t-elle. Je suis au courant.
— C’est important pour la suite. Je peux me taire, si tu préfères ne rien savoir !
Pour qu’il se montre à ce point susceptible, il fallait qu’il lui soit vraiment pénible de lui faire ses confidences. Caroline se reprocha sa propre impatience.
— Je veux seulement comprendre,
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