Le retour de la mariée
repoussé les avances d’un riche et noble Mexicain. Comme il prétendait que touts’achète, il l’avait en quelque sorte mise à prix, et les deux frères, après avoir emporté le marché, étaient toujours en dette à son égard.
— Quel affreux personnage !
— Toujours est-il que les Wilson n’étaient pas seulement recherchés par les rangers du Texas. Les hommes de main du Mexicain les harcelaient sans cesse, je l’ai su plus tard. C’est miracle qu’ils aient échappé aux uns comme aux autres. Alors…
Logan se tut et tourna la tête ailleurs, pour que Caroline ne voie plus son visage. Les muscles de son cou ne cessaient de tressaillir, il déglutissait douloureusement.
— Elena allait avoir sept ans. J’étais allé en ville lui acheter son cadeau d’anniversaire. Quand je suis rentré à la maison…
Logan ferma les yeux. Ses mains tremblaient. Allait-il se trouver mal ? Dans un premier mouvement, Caroline avança le bras pour lui prendre le poignet, elle ouvrit la bouche pour exprimer sa compassion. Mais elle se souvint à temps d’un conseil jadis donné par Suzanne : mieux valait laisser le chagrin s’écouler avant d’espérer le soigner.
Elle retira son bras et referma les lèvres.
— Les Wilson étaient passés par là. Je ne sais pas ce qu’ils ont pu dire à Maria ni même s’ils ont eu le temps de lui parler. Elle s’est affolée, en tout cas…
Avant d’aller plus loin, il dut encore se taire et s’éclaircir la gorge.
— Elle a tué Elena d’un coup de pistolet avant de se tirer une balle en plein cœur, dit-il très vite. A cinq minutes près, je serais rentré à temps pour les sauver toutes les deux.
Caroline dut s’asseoir. Ses jambes se dérobaient sous elle. Tuer sa propre fille pour échapper avec elle à l’esclavage sexuel, quel épouvantable dilemme, quelle horreur ! C’était inimaginable.
Et le drame de Logan, qui aurait pu éviter la catastrophe, à quelques minutes près… Elle ne s’étonnait plus qu’à la seule évocation de la vie de famille il ait d’aussi étranges réactions.Et cette pauvre petite fille, qui serait une belle jeune femme à présent si elle avait vécu…
Caroline fondit soudain en larmes, les deux bras autour du corps de Logan qu’elle étreignait avec force, jusqu’à presque le bercer. Il se raidit un peu, sans la repousser toutefois, ce qui lui parut encourageant.
Il avait besoin d’elle…
— Les Wilson, tu les as tués ?
— Le jour même. Dans ma rage, j’ai vidé deux chargeurs sur leurs carcasses. Mais il était trop tard. Trop tard, bon Dieu !
— Logan, je…
Il avait sans doute atteint les limites de sa résistance, car il se détacha d’elle, mais ce fut pour la prendre dans ses bras et se laisser aller avec elle sur le sol.
— Je ne veux pas défier le destin, Caroline. Lucky Logan Grey, l’homme le plus chanceux du Texas, quelle blague ! A cinq ans, j’ai été le seul survivant de ma première famille. Moins de vingt ans plus tard, pareil ! Fonder une troisième famille serait de la démence ! Est-ce que tu me comprends, Caroline, maintenant que je t’ai révélé ce que je n’ai encore jamais dit à personne ? Est-ce que tu me comprends ?
Caroline eut une pensée fugitive pour Wilhelmina Peters, la chroniqueuse du Daily Democrat, qui s’était étonnée de ce mystère en mangeant des gâteaux.
Pauvre Logan. Il avait besoin d’elle, comme elle avait besoin de lui. Elle devait lui faire admettre que tout n’était pas perdu, qu’il avait une chance à saisir, d’autant plus naturellement qu’ils étaient déjà mariés et qu’ils avaient déjà un fils, que sa femme l’aimait, qu’elle voulait guérir les plaies de son âme. Mais comment le lui dire ? Comment le lui montrer ? Comment lui ouvrir les yeux ?
Elle cherchait ses mots. Il ne lui laissa pas le temps de s’exprimer. Il se leva, reprenant aussitôt son assurance naturelle, son autorité.
— Je ne peux pas être le mari qu’il te faut, Caroline. Je refuse d’être le mari qu’il te faut. Pour mon malheur, je nepeux même pas être le père dont Will a besoin, celui qu’il mérite.
Caroline se releva elle aussi, pour protester.
— Il ne faut pas dire des choses pareilles, Logan !
— Je te les dis pourtant, et je te conseille de bien m’entendre. Je peux te donner de l’argent, Caroline, je peux te faciliter la vie, m’occuper de tes problèmes, si tu en as. Je ne te laisserai
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