Le retour de la mariée
dit-elle sur un ton radouci.
Logan, les yeux baissés, s’assit sur une roche plate. Il ramassa sur le sol une poignée de petits cailloux qu’il se mit à jeter un par un au hasard, au fur et à mesure qu’il progressait dans son récit.
— En quittant Georgetown, je suis descendu vers le sud, en me louant pour un jour ou deux quand je manquais d’argent. A Laredo, j’ai gagné vingt dollars en participant à un concours de tir. Parmi les spectateurs, deux hommes m’avaient remarqué. C’étaient deux frères, Jack et Stoney Wilson, qui se disaient enquêteurs assermentés. Ils m’ont offert de m’employer, comme assistant.
— Je me demandais comment tu avais commencé ta carrière, dit Caroline.
— J’aimais bien ce travail, poursuivit Logan sans réagir à l’interruption. J’aimais la vie que je menais. Il m’est bien arrivé de commettre des actes dont je ne suis pas fier à présent, mais à cette époque-là… Je jouais aux gendarmeset aux voleurs, Caroline, comme chez Nana Nellie. Je portais quelquefois un chapeau de ranger, pour faire illusion, mais en toute innocence, je t’assure.
— Tu étais très jeune, alors.
— Jeune et sans expérience. J’ai mis du temps à comprendre que ces prétendus enquêteurs étaient en fait des criminels aguerris. Un an, peut-être, et après avoir commis quelques mauvaises actions de gaieté de cœur. Quelle honte !
Il ferma les yeux et se tut, la tête inclinée en arrière. Caroline, qui s’était assise elle aussi, respecta son silence. Il semblait tant souffrir ! Son visage tourmenté, la nervosité de ses gestes révélaient le combat qui se livrait en lui.
— Les Wilson m’ont envoyé un jour à Saltillo, au Mexique, pour m’occuper d’un homme qui leur avait volé du bétail. Je l’ai sorti d’un bar et comme il était complètement ivre, je l’ai flanqué dans un chariot pour aller le rosser plus loin. Un garçon qui l’accompagnait est arrivé à la rescousse, et m’a tiré dessus.
Il marqua une pause et chercha le regard de Caroline, qui s’émut de le voir bouleversé.
— J’ai riposté, et j’ai fait ma première victime. Mais celui que j’ai tué n’était pas un adulte. C’était un gamin, plus jeune peut-être que Will aujourd’hui. Je me souviens de son visage, je ne cesse de le voir, il me hante.
— Oh, Logan.
— Mais je n’ai pas renoncé à mon emploi, reprit-il d’une voix plus sourde. Je n’ai pas quitté les Wilson. Je me suis dit que j’étais en état de légitime défense, qu’il avait eu tort de me tirer dessus, et qu’il méritait son sort. Il n’empêche que je n’étais pas fier de moi. Je me disais que la mort d’un gamin était un prix trop lourd à payer pour quelques bœufs ou quelques vaches.
Du pouce, Logan lança le dernier caillou qui lui restait, le plus gros, contre la paroi rocheuse qu’il frappa avec bruit.
— Deux ou trois mois plus tard, il a fallu que je surprenne une conversation entre les deux frères pour que la véritém’apparaisse dans toute son horreur. Les Wilson m’avaient menti. L’homme que j’étais allé poursuivre au Mexique n’était pas un voleur de bétail. C’était le père d’une jeune fille qui avait disparu, et qui la recherchait activement. Le gamin que j’ai tué était le petit frère de la malheureuse.
Ne sachant que dire, Caroline vint vers Logan et voulut lui prendre la main. Il la repoussa.
— J’ai essayé d’en savoir davantage, mais les Wilson cachaient bien leur jeu et ils me faisaient peur. Je les espionnais pourtant. Quand j’ai découvert leur trafic… Grands dieux !
D’un coup de pied rageur, il envoya une pierre rouler au loin.
— Je n’ose pas le dire, Caroline. Ils enlevaient des femmes et des filles pour les vendre à des proxénètes de Mexico, qui les prostituaient.
Saisie de stupéfaction, Caroline resta d’abord muette. Elle se souvenait de ce qu’avait dit Ben lorsque deux personnes avaient disparu, non loin d’Artesia.
— Oh non, ce n’est pas possible, balbutia-t-elle. Alors qu’as-tu fait, Logan ?
— Parce que je voulais les dénoncer, les faire condamner, j’ai voulu mieux connaître leur trafic. Je leur ai dit que moi aussi je voulais profiter de l’aubaine. Comme ils avaient de l’estime pour moi, ils ont accepté. A la première occasion, ils m’ont emmené en expédition avec eux, pour l’enlèvement de quelques « pouliches », car c’est ainsi qu’ils
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