Le retour de la mariée
à Fort Worth, et qu’elle aurait bien des choses à lui raconter pour qu’il comprenne comment, en si peu de jours, elle avait abandonné des griefs accumulés depuis quinze ans. Nul doute qu’il ait été surpris, en effet, de les trouver dans les bras l’un de l’autre, en un lieu aussi improbable.
— De mon point de vue aussi, tout se passe comme dans un rêve, dit-il sur le ton de la confidence. Ta mère te le dira, j’étais marié et père sans le savoir. Quand je l’ai appris, je n’ai pas cessé de penser à notre rencontre. J’en avais un peupeur à vrai dire, mais je n’aurais jamais imaginé que tu commencerais par me tenir au bout d’un fusil.
— Vous aviez les mains sur ses…
— Tu as toi-même dit qu’on n’en parlait plus ! Ce qui me semble extraordinaire, poursuivit-il sans reprendre son souffle, c’est notre ressemblance.
— Pas tellement. Je suis tout maigre !
— Tu as plus de chair sur les os que je n’en avais à ton âge. Quand Caroline a montré ta photo à des amis qui ne m’ont pas perdu de vue depuis plus de vingt ans, ils m’ont reconnu, trait pour trait. Quand je te regarde, là, maintenant, j’ai l’impression de me revoir, ça me fait tout drôle. Ce n’est pas désagréable, mais vraiment surprenant, comme tu disais tout à l’heure.
Ils hochèrent ensemble la tête, à la manière des vieux sages qui tombent d’accord sur un principe incontournable. Après une bonne minute de silence, ce fut Will qui reprit la parole.
— J’ai grandi sans père, pendant toutes ces années. Je me demande si je vais arriver à me faire à l’idée d’en avoir un, maintenant.
— Je vois ce que tu veux dire. De mon côté, je suis tout disposé à te considérer comme mon fils, puisque tu l’es, de toute façon. A condition que ça ne te dérange pas, bien sûr.
Will haussa les épaules. Fourra les mains dans ses poches. Remua les pieds. Logan comprit qu’un dérivatif s’imposait.
— Ta mère m’a dit que tu aimes le base-ball.
— C’est vrai.
— Tu joues simplement en amateur, ou tu as pris ta licence à la Ligue du Texas ?
— La Ligue, je l’adore. Ben m’a confié la collecte des résultats du comté pour les publier dans le Standard d’Artesia. J’ai eu la chance d’aller voir jouer l’équipe des Lions de Fort Worth, il y a deux ou trois ans. Ben et Suzanne m’y ont emmené, parce que j’avais eu des bonnes notes à l’école.
— Alors, qu’est-ce que tu en as pensé ?
— Au lancer, ils n’étaient pas terribles, mais j’ai passé un bon moment.
— J’ai un copain qui voudrait me faire placer de l’argent dans leur équipe.
Will ouvrit des yeux ronds. Il était impressionné.
— Dans l’équipe des Lions ? Oh dites donc ! Vous allez acheter des actions ?
— J’y pense. Mais ils ont des problèmes avec la Ligue, en ce moment. Il faudrait remettre de l’ordre là-dedans.
Le base-ball donna au père et au fils l’occasion de tomber d’accord sur des réformes nécessaires, et ils firent assaut d’érudition sur l’évolution des équipes et la carrière des joueurs les mieux connus. Logan se félicita de les connaître assez bien pour en parler avec son fils sans risquer le ridicule, d’autant que Will, passionné de base-ball, rêvait de devenir joueur professionnel.
Ni l’un ni l’autre ne s’était aperçu que Caroline, bien réveillée, les écoutait depuis un certain temps, sagement assise sur une couverture. Elle souriait avec indulgence.
***
Plus tard dans la journée, après que l’on eut fait honneur au second lapin et résumé à l’intention de Will l’essentiel des événements qui s’étaient produits depuis qu’il avait accompagné sa mère à la gare, le jour de son départ à Fort Worth, Logan quitta le campement pour aller faire une tournée d’inspection dans les environs.
Heureuse de se retrouver pour la première fois seule avec son fils, Caroline comptait bien en profiter pour recueillir les impressions du jeune garçon. Que pensait-il à présent de ce père, auquel elle ne pensait qu’avec amertume avant de le connaître vraiment et qui venait de faire sa conquête ?
Mais elle ne voulait surtout pas le brusquer. Du bout d’un bâton, elle dessina un quadrillage sur le sol poussiéreux.
— Tu viens jouer ?
Malgré la fatigue, Will vint s’asseoir de bonne grâce en face d’elle et traça une croix au coin supérieur droit dela grille. Elle aurait
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