Le retour

Evening in Paris aux trois femmes de la maison
en affirmant honnêtement que ces produits provenaient d'une boîte éventrée lors
d'un transbordement dans le port. Selon ses dires, il était de tradition de se
partager les produits entre les employés quand ce genre d'incident se
produisait. A l'occasion du quarante-sixième anniversaire de Gérard, l'amoureux
de sa fille lui avait donné un briquet pour remplacer son vieux Ronson.
     
    Lors du
dix-septième anniversaire de naissance de Richard, il lui avait donné une
casquette des Royaux de Montréal parce qu'il savait qu'il était un ardent
partisan de l'équipe. Il avait récidivé quinze jours plus tard quand
    on avait célébré
chez les Morin le dix-huitième anniversaire de Gilles. En fait, seul Jean-Louis
faisait grise mine au nouvel amoureux de sa soeur. L'employé à la comptabilité
chez Dupuis frères semblait éprouver une antipathie naturelle à l'endroit du
débardeur et il évitait de lui parler le plus possible.
     
    Si les amours de
Gilles avec Nicole Frappier étaient au beau fixe, il en allait tout autrement
pour Richard.
     
    Une semaine après
les élections, son copain, Paul Jutras, avait tenu parole. Il l'avait invité à
venir chez lui un vendredi soir pour lui présenter sa jeune soeur Hélène.
     
    Tôt après le
souper, l'adolescent avait procédé à une toilette soignée, endossé sa plus
belle chemise et, surtout, utilisé une quantité importante de Brylcreem pour
faire tenir son "coq". Il avait même subtilisé un peu de parfum dans
une bouteille oubliée dans la salle de bain.
     
    - Tabarnouche!
s'était exclamé Jean-Louis en prenant place à table pour manger la
traditionnelle sauce aux oeufs du souper du vendredi soir, ça sent ben drôle.
     
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    Laurette avait
reniflé bruyamment et avait tourné la tête dans toutes les directions pour
tenter de trouver la provenance de cette odeur.
     
    - Mais c'est toi
qui sens la guidoune comme ça! s'était-elle exclamée en se penchant sur
Richard. Tu sens l'Evening in Pans à plein nez. A qui t'as volé ce parfum-là?
     
    - A personne,
m'man. J'en ai pris juste une goutte dans la bouteille qui était dans la salle
de bain, avait avoué Richard. Je sens pas tant que ça.
     
    - Aie! Richard
Morin, touche pas à mon parfum! lui avait ordonné Carole.
     
    - Je savais pas
que c'était à toi, s'était défendu l'adolescent.
     
    T'as juste à pas
le laisser traîner dans la salle de bain.
     
    Au même instant,
Laurette avait semblé se rendre compte que la tenue vestimentaire de son fils
était anormalement soignée pour un vendredi soir.
     
    - Veux-tu ben me
dire où tu t'en vas arrangé comme ça? lui avait-elle demandé, soudainement méfiante.
     
    Richard avait été
immédiatement sur la défensive.
     
    - Ben...
     
    - Ben quoi?
     
    - Je veux juste
aller faire un tour après le souper.
     
    - Un tour où?
Avec qui?
     
    - Je le sais pas
encore, m'man.
     
    - Va surtout pas
faire de niaiseries, toi! l'avait mis en garde sa mère, soupçonneuse.
     
    - Elle s'appelle
comment, ton tour? lui avait demandé son frère Gilles, quelques minutes plus
tard, dans leur chambre à coucher.
     
    - Hélène. C'est
la soeur de Jutras. Tu sais, celle qui ressemble à la fille du calendrier.
     
    - À ta place,
j'irais me laver pour ôter l'odeur écoeurante du parfum de Carole, lui avait
conseillé son frère. Prends l'Old Spice de p'pa. Ça, c'est un parfum d'homme.
     
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    Richard avait
suivi le conseil de son frère avant de se rendre chez Paul Jutras qui demeurait
rue Parthenais, près de la rue Rouen. Ce dernier l'avait fait entrer et lui
avait chuchoté à l'oreille que sa soeur était assise avec une amie sur le
balcon.
     
    - Je vais te la
présenter dans deux minutes, lui avait affirmé son copain. Donne-moi juste le
temps de finir de manger.
     
    Ces deux minutes
avaient semblé durer une éternité à l'adolescent. Son coeur battait à tout
rompre et il n'avait cessé de vérifier du bout des doigts l'ordonnance de son
"coq" sans trop savoir où essuyer les doigts enduits de
    Brylcreem après
chaque vérification.
     
    Quand Paul Jutras
l'avait entraîné vers le balcon, ses oreilles étaient devenues écarlates et il
avait senti ses jambes faiblir soudainement.
     
    Dès qu'il eut
franchi la porte, Richard avait découvert deux très belles jeunes filles: une
rousse et une brune.
     
    Richard avait su
tout de suite que la rousse était Hélène.
     
    Il la trouva tout
de