Le retour
venir préparer les
repas, faire le lavage, repasser le linge et faire le ménage à ma place. On va
faire comme ta soeur Colombe et se payer une femme de ménage! Comme ça, je vais
pouvoir rester écrasée dans ma chaise berçante du matin au soir.
Cet échange acerbe
entre les époux n'avait évidemment rien changé au comportement de Gérard.
Depuis, Laurette
avait beau laisser éclater sa mauvaise humeur de temps à autre, il n'en restait
pas moins que les samedis étaient devenus pour elle une journée infernale.
Comme ses deux
filles travaillaient le samedi, ce qui devait être son jour de repos
hebdomadaire était vite devenu la journée de toutes les corvées.
Depuis le début
de l'été, la mère de famille devait se lever très tôt le samedi matin pour
commencer le lavage avant d'aller acheter la nourriture de la semaine. À son
retour, elle finissait de laver les vêtements et de les étendre sur sa corde à
linge. Évidemment, il n'était pas question de laver les vêtements le dimanche.
Qu'est-ce que les voisins auraient pensé s'ils avaient vu sa corde à linge
couverte de linge à sécher? Cela ne se faisait pas.
Durant
l'après-midi, elle cuisinait et commençait le ménage de l'appartement. Ses
filles tentaient bien de l'aider le soir et le dimanche, il n'en restait pas
moins que tout reposait pratiquement sur ses épaules fatiguées.
Pourtant,
Laurette avait bien tenté de confier à son mari l'achat de la nourriture pour
la semaine en lui dressant une liste complète de ce qu'il aurait à acheter tant
chez Dugas et Oscar que chez Laurencelle, la fruiterie de la rue
305
Sainte-Catherine.
L'expérience avait été si coûteuse qu'elle avait dû renoncer à la répéter.
Gérard était
revenu à la maison avec de nombreux produits non inscrits sur la liste. Il les
avait achetés parce qu'il en avait eu subitement le goût et avait été incapable
de résister. Mais le pire avait été ses achats effectués chez Tougas. Une heure
après le retour de son mari, le livreur avait déposé les sacs d'épicerie sur la
table de cuisine.
Laurette avait
alors délaissé sa laveuse pour tout ranger.
- Verrat!
Qu'est-ce que c'est cette affaire-là? s'était-elle écriée en découvrant un rôti
de boeuf dans sa commande. Gérard! lui avait-elle crié alors qu'il était
confortablement assis à une extrémité du balcon.
- Qu'est-ce qu'il
y a?
- Je pense que le
gars de chez Tougas s'est trompé de commande. Il y a un roast beef dans un des
sacs.
Gérard était
rentré dans la maison pour voir ce dont parlait sa femme.
- Bonyeu! C'est
sûr que c'est pas notre commande.
Regarde! Il y a
trois boîtes de ragoût de boulettes Cordon bleu.
Son mari avait
pris un air un peu gêné pour déclarer:
- Non. Je pense
que c'est ben notre commande.
- Comment ça,
notre commande? J'ai jamais écrit sur ma liste un roast beef et des boîtes de
ragoût de boulettes!
s'était emportée
Laurette, les poings sur les hanches.
- Je le sais,
mais j'avais le goût d'en manger. Il me semble que ça ferait changement avec le
baloney.
- T'avais le goût
d'en manger! ma foi du bon Dieu, mais tu vis pas dans le même monde que nous
autres, toi, Gérard Morin! Penses-tu qu'on a les moyens de se payer ça? On tire
le diable par la queue et on va manger du roast beep. Sors-moi la liste que je
t'ai donnée. Pour payer ça, t'as dû couper d'autres affaires.
306
Gérard avait
extirpé la liste froissée de l'une de ses poches avant de retourner,
insouciant, sur le balcon. De temps à autre, il avait entendu Laurette
s'exclamer. Finalement, elle était sortie quelques minutes plus tard en portant
un sac d'épicerie à demi rempli.
- Je peux pas
retourner le rôti parce qu'il est déjà coupé, mais tu vas me rapporter tout ça
chez Tougas et achète-moi à la place ce que j'ai souligné sur ma liste.
- Es-tu folle,
toi? s'était-il exclamé. Je vais avoir l'air fin en maudit de rapporter ça
devant tout le monde.
- T'as pas le
choix, avait sèchement tranché Laurette.
Je sais pas si tu
le sais, mais t'as rien rapporté pour faire les lunchs de la semaine. Qu'est-ce
que tu penses qu'on va manger, nous autres, le midi?
Gérard avait eu
beau ronchonner, il avait dû s'exécuter.
Cependant, la
leçon avait porté: Laurette ne lui avait plus confié les achats à l'épicerie.
En échange, il avait dû accepter
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