Le retour
dans le coffre de la Studebaker.
Quelques minutes
plus tard, la voiture prit lentement le chemin du retour. Laurette se sentait
bien reposée par sa longue sieste sur la plage. Elle appréciait à sa juste
valeur la brise qui pénétrait dans l'automobile qui filait, toutes glaces
baissées. Cependant, le retour en ville s'annonçait plutôt difficile. Un flot
de véhicules avait pris
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d'assaut la route
et la Studebaker roulait à très faible vitesse.
- C'est beau, la
campagne, hein, m'man? fit Denise assise entre son frère et son amoureux, sur
la banquette avant de la voiture.
- C'est vrai que
c'est beau, reconnut Laurette, mais à la longue, ça doit finir par être plate.
A mon goût, c'est ben trop tranquille. C'est tfun une journée, mais vivre à la
campagne tout le temps à se faire manger par les bibittes, je serais pas
capable d'endurer ça.
- C'est pas la
vraie campagne, madame Morin, dit en riant Pierre Crevier. Vous devriez voir de
quoi ça a l'air la place d'où je viens. Quand je dis que je restais à Aima,
c'est pas tout à fait vrai. Je viens de Saint-Léon, un tout petit village, à
une trentaine de milles de là. Chez nous, c'est tellement tranquille qu'il doit
passer un char par semaine devant la maison.
- Pauvre petit
gars! le plaignit Laurette. Ça doit être plate à mort, ce coin-là.
- On est
habitués. Quand je restais là, le soir, on se couchait tellement fatigués qu'on
n'avait pas le temps de se demander si c'était ennuyant.
La Studebaker
roula encore durant quelques minutes avant que le conducteur tourne
soudainement à droite et
vienne
immobiliser son véhicule près d'une roulotte devant laquelle deux autres
voitures étaient arrêtées. Immédiatement, une odeur de frites envahit
l'habitacle.
- Pourquoi on
s'arrête? demanda Gérard, en sursautant légèrement.
L'homme avait
somnolé depuis leur départ de la plage de Pointe-Calumet.
- Qu'est-ce que
vous diriez si je vous invitais à souper?
demanda Pierre en
se tournant vers les passagers assis à l'arrière de sa voiture.
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- Écoute, commença
à dire Gérard, un peu gêné, après avoir repéré la roulotte décorée de petites
ampoules jaunes. Tu trouves pas que ta journée t'a déjà coûté pas mal cher.
- Pantoute,
monsieur Morin, affirma le jeune homme.
Vous m'avez donné
à dîner et le char me coûte rien. On peut ben manger des hot-dogs et des
patates frites avec une bonne liqueur froide. Qu'est-ce que vous en pensez tout
le monde?
Laurette émit
quelques protestations aussi peu convaincantes que celles de son mari. Il était
évident qu'elles étaient de pure forme et qu'elle mourait d'envie de manger.
- Ce soir, c'est
congé de vaisselle pour les dames, décida Pierre avec galanterie.
Il prit note
ensuite de ce que chacun voulait manger avant de conseiller à ses passagers de
prendre place à une table à pique-nique libre installée à faible distance de la
roulotte. Il alla commander une douzaine de hot-dogs, une demi-douzaine de
frites et six boissons gazeuses que Richard et Gérard aidèrent à transporter
jusqu'à la table.
Ils mangèrent tous
les six sans se presser, en regardant les voitures avancer à pas de tortue sur
la route encombrée.
Vers sept heures,
ils remontèrent dans la Studebaker et profitèrent d'une circulation un peu plus
fluide pour rentrer en ville.
- Dire qu'ils
arrêtent pas de dire dans les journaux que dans cinq ans il va y avoir un char
pour deux familles, dit Gérard. Ce sera pas roulable.
- C'est ce que
mon oncle Rosaire arrête pas de dire, intervint Richard, mais lui, il est
content de ça. Hier, il parlait même avec un client qu'il était pour acheter le
terrain à côté du garage pour pouvoir mettre d'autres chars à vendre. S'il
continue comme ça, j'arriverai plus à laver tous ses chars le samedi.
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- En tout cas, je
sais pas ce qu'ils vont faire au pont Jacques-Cartier, reprit le conducteur. À
la fin mai, je suis rentré en ville avec un voisin qui avait besoin d'aide pour
déménager son frère un dimanche soir. On a attendu une heure et demie avant de
pouvoir passer sur le pont. Ça a pas d'allure de mettre des places pour payer
là. Ça bloque tout le trafic.
Le soleil
commençait à baisser à l'horizon quand la Studebaker s'arrêta devant le 2318,
rue Emmett. Tous les Morin remercièrent chaleureusement Pierre Crevier de leur
avoir offert une si
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