Le retour

aîné.
     
    Son mari et
Richard la suivirent. Elle entra dans la chambre, ouvrit avec fracas chaque
tiroir avant de se laisser tomber sur le lit de Jean-Louis.
     
    - Ah ben, j'en
reviens pas! dit-elle, la voix étranglée par l'émotion. Il est parti! Il est
parti, répéta-t-elle comme si elle ne parvenait pas à se convaincre du fait.
     
    Son mari ne
disait pas un mot, immobile, appuyé contre le cadre de la porte.
     
    - Il est parti
sans nous dire un mot! dit Laurette, le visage blanc, la larme à l'oeil.
J'aurais donc dû rester ici aujourd'hui.
     
    - Ça aurait
changé quoi? lui demanda son mari.
     
    - Il serait pas
parti comme ça, répondit Laurette sur un ton larmoyant.
     
    - Ça prend un
maudit sauvage pour faire une affaire pareille! s'écria Gérard, soudainement
furieux.
     
    - Qu'est-ce qu'on
lui a fait? demanda Laurette. Il était ben ici dedans. Il avait sa chambre à
lui. Son linge était lavé et repassé. Il a jamais manqué de manger...
     
    - C'est juste
qu'il a pas de coeur, m'man, intervint Richard, bouleversé de voir à quel point
ce départ à la sauvette de son frère aîné faisait de la peine à sa mère.
     
    - Mêle-toi pas de
ça, toi, répliqua sèchement sa mère.
     
    - Qu'est-ce qui
se passe, demandèrent en même temps Carole, Denise et Gilles qui avaient
entendu des éclats de voix.
     
    - Votre frère est
parti, répondit leur mère. Pour moi, vous avez dû lui faire quelque chose pour
qu'il s'en aille comme ça, ajouta-t-elle, l'air soupçonneux.
     
    - C'est ça, ça va
être notre faute à cette heure!
     
    s'emporta
Richard.
     
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    - Et toi, Gilles,
tu l'as pas vu déménager durant l'après-midi? demanda Laurette, sans se
préoccuper des paroles du plus jeune de ses fils.
     
    - J'étais pas là,
m'man. Je suis parti vers midi pour aller chez Nicole. Quand je suis parti, il
lisait le journal. Il m'a jamais dit qu'il voulait s'en aller. Il a attendu que
je sois pas là pour s'en aller.
     
    - Pourquoi il est
parti comme ça? demanda Carole sur un ton accusateur.
     
    - Laissez faire,
leur dit leur père en leur faisant signe de retourner à leurs occupations.
     
    Les parents
quittèrent la chambre à leur tour et retournèrent dans la cuisine. Gilles resta
avec Richard dans leur chambre à coucher.
     
    - Tu parles d'un
maudit hypocrite! fit Richard à mi-
    voix. Il a tout
préparé en cachette, sans rien dire à personne.
     
    M'man est tout à
l'envers avec cette histoire-là.
     
    - Tu penses qu'il
s'est loué un appartement pour lui tout seul? demanda Gilles.
     
    - Ça, ça me
surprendrait en maudit. Tu le connais.
     
    Plus gratteux que
lui, tu crèves. Il a toujours fallu lui tordre un bras pour lui faire sortir une
cenne de ses poches. S'il avait loué un appartement, il aurait fallu qu'il
s'achète des meubles. Ça aurait vidé son compte de banque... Il est pas fou à
ce point-là!
     
    - C'est vrai,
reconnut Gilles. En plus, il a jamais su faire la cuisine. Comment il va se
débrouiller, tu penses?
     
    - Moi, je suis
sûr qu'il est parti rester avec son grand chum, Jacques Cormier.
     
    - Si c'est vrai,
ce serait ce qui pourrait arriver de mieux, réfléchit à voix haute Gilles.
M'man va trouver ça moins pire que s'il était parti rester avec une fille.
     
    - Ouais, fit son
frère, en apparence peu convaincu.
     
    338
    Laurette et
Gérard étaient seuls dans la cuisine. La porte de la chambre des filles était
close et la radio jouait en sourdine. La mère de famille ne cessait de tirer un
mouchoir de l'une des manches de sa robe pour se tamponner les yeux.
     
    - Qu'est-ce qu'on
lui a fait à cet enfant-là pour qu'il parte comme ça, sans un mot, rien?
demanda-t-elle pour la dixième fois.
     
    - Ça, on le lui
demandera quand on le reverra, finit par répondre sombrement Gérard.
     
    - Où est-ce qu'il
va coucher? Qui va lui faire à manger?
     
    - Tu le connais,
Laurette. Il a pas fait ça sur un coup de tête. Il a dû s'être arrangé avant.
     
    - J'espère qu'il
est pas allé faire des folies avec une fille, lui...
     
    - Voyons donc,
protesta son mari. On l'a jamais vu avec une fille. Il serait parti chez son
chum... Comment il s'appelle déjà?
     
    - Cormier?
     
    - Oui. Il serait
chez ce gars-là que ça me surprendrait pas.
     
    - Si encore je
pouvais manquer l'ouvrage demain, j'irais le voir chez Dupuis pour lui parler.
Il reviendrait à la maison, ça prendrait pas de temps, je te le garantis.
     
    - Je suis pas sûr
de ça, moi, fit