Le retour
se
chercher un autre locataire si elle baissait pas son augmentation. Tremblay a
dit qu'il allait en parler à son boss.
- Je vous
comprends, fit Laurette. Il nous a encore augmentés de deux piastres par mois
cette année. Ça a pas d'allure. C'est rendu qu'on paye vingt-trois piastres par
mois.
- Ça fait qu'on
en a parlé à mon beau-frère qui reste sur la rue Montcalm, un peu en haut
d'Ontario. C'est bien tombé. Son voisin déménageait le premier mai. On est allé
visiter le logement. C'est un cinq et demie bien propre, au premier étage, avec
une belle grande cour. On a décidé de le prendre.
- Mais vous devez
payer pas mal plus cher qu'ici?
- Pantoute,
madame chose. On a signé un bail de deux ans pour vingt-quatre piastres par
mois. Pour le même loyer, on a un premier étage et un appartement pas mal plus
grand.
- Je suis ben
contente pour vous autres, conclut Laurette, déprimée par l'idée de perdre une
bonne voisine.
- On part, mais
ça nous fait quelque chose de nous en
aller. On aimait
bien le coin, reconnut Emma Gravel.
- Savez-vous qui
vient prendre votre place?
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- Non. Je me
demande même si la compagnie est venue à bout de louer notre logement. Il est
pas venu personne le visiter depuis qu'on a averti Armand Tremblay qu'on s'en
allait.
- En tout cas,
j'espère que vous allez venir me dire un petit bonjour avant de partir, dit
Laurette en se levant.
Bon. Je vais
aller m'occuper de mon lavage avant que Carole l'ait fait au complet toute
seule.
Laurette
descendit les marches vermoulues en se tenant fermement à la rampe et rentra
chez elle. À midi, le lavage et le ménage étaient terminés. La mère de famille
incita sa fille cadette à aller passer quelques heures chez son amie Mireille
pendant qu'elle se chargerait de plier le linge et d'étendre sur la corde les
vêtements encore mouillés qui n'avaient pu être étendus par manque de place sur
la corde à linge durant l'avant-midi.
Quelques heures
plus tard, elle s'apprêtait à aller déposer dans chaque chambre les derniers
vêtements qu'elle venait de plier quand Gilles et Richard rentrèrent dans la
maison en même temps.
- Dites-moi pas
que votre boss vous a laissés partir avant le temps! s'exclama Laurette,
heureuse de voir ses deux fils arriver assez tôt à la maison pour retirer les
contre-fenêtres.
- Mon oncle a pas
eu le choix, laissa tomber Richard en se versant un verre de cola. J'avais fini
de laver toutes ses maudites vieilles bagnoles. Si encore il en vendait de
temps en temps, ça m'en ferait moins à laver chaque fin de semaine.
- Il doit
sûrement en vendre pour faire autant d'argent, lui fit remarquer son frère.
- C'est sûr qu'il
en vend pas mal, reconnut Richard, mais il les remplace tout de suite par
d'autres, bâtard! Il
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dit que quand il
y a des places vides sur le terrain, ça a l'air pauvre.
- Et toi, Gilles?
lui demanda sa mère.
- On avait fini
de livrer tout ce qu'il y avait à livrer aujourd'hui. Ça fait que Lanthier m'a
laissé en passant.
Il va étirer le
temps et arriver juste pour cinq heures au magasin. J'ai déjà ma paye, à part
ça.
Gilles tira de sa
poche la somme qu'il avait gagnée le soir précédent et ce jour-là. Il tendit
les sept dollars à sa mère qui lui laissa un billet de deux dollars.
- Pendant que j'y
pense, m'man, j'ai encore ma paye, lui dit Richard en tirant une petite
enveloppe de la poche arrière de son pantalon. Avec tout ce qui est arrivé hier
soir, j'ai complètement oublié de vous payer ma pension.
L'adolescent ne
chercha pas à préciser s'il faisait allusion à son ivresse de la veille ou à
l'incident du bras coincé de sa mère. Laurette ne dit rien et se contenta de
tendre la main. Elle prit quinze dollars et lui remit son enveloppe.
- J'espère que tu
gaspilles pas tout ce que tu gagnes, lui dit-elle sèchement.
- Ben non, m'man.
De toute façon, je vous ai dit que vous pouviez garder vingt piastres par
semaine, si vous le vouliez.
- Il en est pas
question. Je demande quinze piastres à Jean-Louis et à Denise, je vois pas
pourquoi tu me donnerais plus.
- Bon. Est-ce
qu'on les pose aujourd'hui, ces jalousies-
là? demanda
Gilles, soudain pressé d'en finir. J'ai des devoirs à faire et j'aimerais ben
avoir le temps d'écouter le hockey à soir.
- Vous avez juste
à les sortir du hangar, dit leur mère.
Je vais les
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