Le retour
debout.
- Bon. Si vous me
montriez où je vais coucher, Laurette, je pourrais défaire ma valise pendant
que le souper cuit.
Une vague lueur
d'espoir prit naissance chez l'hôtesse récalcitrante.
- C'est là qu'on
a un problème, madame Morin, s'empressa de lui dire sa bru. Je sais pas trop où
vous faire coucher. Les trois gars couchent toujours dans les deux chambres
d'en avant. Les déménager de chambre comme il y a trois ans quand vous êtes
venue passer quinze jours, c'est tout un barda. Les deux filles couchent dans
la chambre d'en arrière. Si encore on avait un salon, on pourrait toujours vous
monter un lit là, mais on n'en a pas.
Vous comprenez,
ici, c'est pas le château de Colombe et Rosaire. On est pas mal tassés.
Laurette faisait
allusion à la magnifique maison neuve du boulevard Rosemont habitée par les
Nadeau.
- C'est pas
grave, voulut la rassurer sa belle-mère.
Même si j'ai pas
un lit pour moi toute seule, j'en mourrai pas. Je vais coucher avec vous, dans
votre chambre. J'espère
seulement que
vous ronflez pas, ajouta-t-elle en se dirigeant déjà vers la chambre de
Laurette. Venez me faire de la place dans un tiroir pour que je puisse y mettre
mon linge.
Laurette n'eut
pas le choix. Avec une grimace de dépit, elle dut emboîter le pas à son invitée
alors que Denise entrait dans la maison après sa journée de travail. La jeune
fille sursauta légèrement en apercevant sa grand-mère.
Après un rapide
baiser sur une joue, elle s'empressa d'aller se réfugier dans sa chambre à
coucher pour changer de vêtements.
Moins de cinq
minutes plus tard, Laurette quitta sa chambre en refermant la porte derrière
elle et regagna la cuisine.
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- Maudit bâtard!
jura-t-elle. J'avais ben besoin de ça!
- Surtout que
vous allez être poignée pour aller vous confesser, la nargua Richard, un
sourire moqueur étalé dans le visage.
- Comment ça?
aboya sa mère.
- Pour toutes les
menteries que vous avez sorties à mémère. Je suis sûr que vous pourrez pas
aller communier dimanche prochain sans être obligée d'aller vous confesser.
- Toi, mon agrès!
C'est pas le temps de me taper sur les nerfs, tu m'entends? lui dit sa mère,
les dents serrées.
- Comment vous
allez faire pour dormir avec elle, dans la même chambre, s'enquit Carole qui
n'avait pas oublié à quel point sa grand-mère paternelle ronflait fort.
- Je le sais pas
pantoute, reconnut sa mère.
- Elle ronfle
peut-être plus, voulut la rassurer Gilles.
- Le jour où elle
ronflera plus, ce sera quand elle sera étendue dans son cercueil, dit
méchamment Laurette.
Chut! Elle va
finir par nous entendre.
Elle regretta
immédiatement cette méchanceté et fit signe à ses enfants de se taire parce
qu'elle venait d'entendre la porte de sa chambre à coucher s'ouvrir.
Quelques minutes
plus tard, Lucille Morin s'installa d'autorité à la place qu'occupait son fils
Gérard avant son hospitalisation. Elle ignorait que depuis le départ du père
pour le sanatorium, une entente tacite entre les membres de la famille avait
fait que sa chaise était demeurée vide pour signifier qu'on l'attendait.
Jean-Louis fut le dernier à venir prendre place à table.
Il était évident
que la présence de la grand-mère ne suscitait guère plus d'enthousiasme chez
les petits-enfants que chez leur mère. Lucille Morin ne leur avait jamais
témoigné un grand intérêt. Il arrivait même qu'elle cherche à se rappeler leur
prénom. Pour eux, leur grand-mère
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vivait chez leur
oncle Rosaire. Elle leur faisait l'aumône d'une ou deux courtes visites chaque
année, considérant probablement qu'il s'agissait là d'un cadeau suffisant.
Évidemment, ce n'était pas Laurette qui allait se plaindre de la rareté de ses
visites, loin de là. A ses yeux, la vieille dame venait encore trop souvent
parce que chaque fois qu'elle apparaissait chez elle, elle trouvait le moyen de
semer la discorde en se mêlant de ce qui ne la regardait pas.
Lucille déposa sa
tasse de thé en esquissant une grimace.
- Qu'est-ce qu'il
y a, mémère? lui demanda Richard à qui la grimace n'avait pas échappé.
- Grand-mère, pas
mémère, mon garçon, le reprit sèchement Lucille en lui jetant un regard
désapprobateur.
Il me semble qu'à
ton âge, tu devrais savoir ça.
- Je le sais,
mémère, s'entêta l'adolescent. Moi, j'aime mieux vous appeler "
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