Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
Vom Netzwerk:
Naples, couvert des lieues et des lieues au rythme cette fois rapide d’un équipage qui se hâtait, il avait fréquenté des cours et des salons, dîné, dansé, et rempli ses obligations auprès des personnages qui comptaient. Il était retourné à Rome où les pensionnaires de l’Académie de France lui avaient offert un bal le 21 février 1751. Ce n’était qu’une étape avant Sienne, Florence, Lucques, Pise, Livourne, Ferrare. Le tout avait été conclu entre le 3 mars et la fin du mois de mai. Les lettres de France se faisaient pressantes et Abel en était un peu agacé. Pourquoi Jeanne le bousculait-elle ? Elle avait voulu ce voyage quand il n’y songeait pas, elle avait parlé de deux ans, voire trois, et elle s’impatientait quand on n’avait pas encore bouclé la deuxième année. Fallait-il aller si grand train quand l’Italie était si belle ? Les Bâtiments ? Allons, ce n’était pas encore pour demain et longue vie à l’oncle Tournehem ! Il y avait quelque temps Jeanne pourtant avait écrit « monsieur de Tournehem attend votre retour pour se démettre ». Rien d’inquiétant. L’oncle sans doute était las de sa charge. On pouvait s’attarder encore.
    Il fallait maintenant voir Venise, la séduisante, l’enchanteresse. Il y faudrait bien tout un mois. Tant de trésors y étaient accumulés que Cochin en auraitpour des jours à dessiner et à écrire puisque décidément Le Blanc ne prenait aucune note. Les voyageurs s’y reposeraient aussi de trop de mondanités. Point ici de princesse de la famille royale, Abel pourrait vivre un peu pour lui-même. La Chétardie avec qui il avait noué des liens d’amitié lui avait écrit qu’il y retrouverait « certaine comtesse » qu’il avait connue aux noces de Turin. C’était décidé, Venise méritait tout le mois de juin et personne n’empêcherait Vandières de prendre son temps. La ville avait bien des charmes et la comtesse Gabrielli… Ah ! La comtesse Gabrielli c’était autre chose que la belle Romaine et que toutes les filles qui avaient jalonné sa course italienne. La différence ? Elle le faisait rêver. Les autres n’avaient aucun mystère. La femme de l’apothicaire s’ennuyait. Elle cherchait l’aventure, n’importe quelle aventure, le vieux Troy en était la preuve. Les danseuses, les comédiennes étaient flattées de l’aura de notoriété qui l’entourait. Il avait le même succès à Paris. Mais la comtesse Gabrielli… À Turin déjà elle l’avait subjugué. Allant à marche forcée, puisqu’on était maintenant pressé, il se complaisait à évoquer leur rencontre. Elle l’avait séduit, elle avait surtout su le surprendre. Elle l’avait provoqué ? Mais avec tant d’élégance !… Et de subtilité !
    Léonora Gabrielli était belle, elle était aussi intelligente. Tant de compliments étaient-ils exagérés ? Non, pour tout dire et ne pas y revenir, la comtesse Gabrielli était vénitienne. Et Vandières rêvait, indifférent aux soubresauts de la voiture, et ne sortait de sa méditation que pour se pencher au-dehors et sommer le cocher de mener plus vite l’attelage. Depuis l’étape de Ferrare lesdeux voitures qui faisaient convoi avaient marché bon train. Padoue ? On y reviendrait, on ne pouvait manquer les villas palladiennes qui l’enserraient comme un écrin précieux, et pas davantage l’église Di Santo, mais Venise n’attendait pas. Enfin on dépassa Mestre, on y était presque ! La route s’arrêta brutalement. À perte de vue il n’y avait plus que la lagune. Vandières abandonna vivement voiture, chevaux et cochers dans la dernière auberge. La gondole de monsieur de Chavigny, ambassadeur de France à Venise, attendait les voyageurs, Abel y sauta avec toute l’impatience qui l’animait et ce fut son dernier sursaut de précipitation, puis il se laissa aller à la félicité de voguer sereinement sur le canal qui le menait au cœur de la cité. La hâte était maintenant derrière lui. Dès le premier instant il se sentit gagner par la lenteur des choses dans ce monde étrange et nouveau où la disparition des voitures et des chevaux imposait un rythme sans saccades. Il était dérouté mais heureux, il commençait à apprendre Venise. Bien malin qui viendrait le chercher dans les entrelacs compliqués de la sérénissime. La magie de la cité des doges étendait déjà sur lui son emprise. Il était hors du monde, il était hors du temps, il était libre.

    Le

Weitere Kostenlose Bücher