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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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disparaître tout cela. Encore n’est-ce là que l’aspect le plus superficiel d’un problème beaucoup plus vaste. Les barques du Louvre s’étaient agglutinées à l’ancien palais royal parce que « le grand dessein » du roi Henri IV, que Colbert avait repris, n’avait jamais été achevé. Le Grand Louvre était resté en cours de construction. Il suffisait de lever les yeux pour mesurer l’ampleur du chantier qu’il faudrait mener. Les ailes Est et Nord n’avaient toujours pas de toiture, la colonnade inachevée à la mort de Perrault, son architecte, avait été abandonnée depuis. Elle menaçait ruine et disparaissait derrière les bâtiments qui s’étaient interposés entre Saint-Germain-l’Auxerrois et le Louvre. Des baraques, des ateliers, des appentis, s’y étaient appuyés. Le Garde-meuble et les Écuries de la reine installés dans l’ancien hôtel du Petit Bourbon, les postes aux lettres et aux chevaux, l’hôtel Rouillé et ses dépendances étouffaient et masquaient le Louvre inachevé. Le scandalede toutes ces horreurs devait cesser, il fallait reprendre le grand dessein et… le mener à son terme. Vandières n’osait même pas penser au coût de tels travaux. Il allait falloir manœuvrer habilement pour persuader le roi de leur absolue nécessité.

    Le sujet était revenu à l’ordre du jour dès 1749, quand « le livre » était paru à La Haye. Un pamphlet détestable, L’Ombre du grand Colbert  ! Voilà qui devait plaire à Jeanne, l’ambition qu’avait eue le très glorieux prédécesseur de Vandières de mener à bien les travaux de construction du nouveau Louvre y était encensée avec raison. Hélas ! Depuis l’arrêt du chantier en 1688 le seul élément ajouté avait été ce tissu misérable de logements de fortune que marchands et cabaretiers avaient investis. L’ensemble était détestable. L’auteur du prétentieux ouvrage, Lafont de Saint Yenne, l’avait dénoncé sous forme de dialogue entre le Louvre et Paris pour démontrer l’horreur des lieux et stigmatiser le mépris des Bâtiments pour un édifice remarquable. Voltaire y était allé de son quatrain.
    Cette pensée ramena un sourire sur le visage de Vandières. Voltaire raillait ! Il l’avait connu flattant Jeanne pour qu’elle le fît admettre dans l’entourage du roi. Peine perdue, sa prétention avait indisposé le roi et Voltaire avait alors visé ailleurs. Quelques allusions bien tournées le vengeaient parfois de son échec. Elles n’étaient pas toujours sans un peu de mesquinerie. Les hommes de lettres, tellement pénétrés de leur propre intelligence, déconcertaient parfois Abel. Diderot, plus mesuré, dénonçait aussi le scandale dans la notice« colonnade » de l’article Louvre de son encyclopédie. Sur le fond le pamphlétaire avait raison, il était nécessaire dans un premier temps au moins de débarrasser le Louvre de la gangrène qui l’étouffait. Il faudrait aussi reprendre les travaux abandonnés. Mener à bien « le grand dessein » ? C’était ambitieux ! Rien n’empêchait pour autant de commencer et puisque la polémique soigneusement attisée par certains se réveillait, il serait peut-être plus facile de mobiliser le roi sur le projet.
    Gabriel, qui mieux qu’un autre savait flairer l’air du temps, n’avait pas manqué l’occasion de se mettre en avant. Il louchait déjà sur un chantier prestigieux et n’hésitait pas à s’imaginer dans le rôle d’un second Perrault. Abel avait déjà trouvé la parade, il le nommerait responsable des travaux, Premier Architecte du Roi oblige, mais l’homme de cette affaire-là, le seul capable de mener un chantier de cette envergure, c’était Soufflot.

    Soufflot habitait à deux pas dans l’ombre de Saint-Germain-l’Auxerrois, l’affaire ne pouvait attendre. L’instant d’après ils en débattaient.
    — Bien sûr, Soufflot, il faut en premier lieu détruire tout ce fatras de bâtisses qui se sont agglutinées dans la plus totale anarchie.
    — Ce ne sera pas sans cris !
    — Le tapage passera. Il faut dégager la colonnade…
    — Et la consolider, elle a subi de forts assauts.
    — Il faudra sculpter son fronton et achever sa façade sur la cour carrée.
    — Puis…
    — C’est déjà un travail d’importance et qui coûtera cher. Le roi ?
    — Comme vous et moi il connaît le pamphlet qui agite encore aujourd’hui tout Paris. Il nous donnera les fonds.
    — Que Dieu… et le

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